Cet été, le MRAC et Sophie Calle nous invitent à réfléchir sur nos émotions avec l’exposition Etes-vous tristes ? Une visite à la croisée des intimités.
Malgré les liens forts qui unissent Sophie Calle à la région Occitanie, elle qui vit entre Paris et le Gard où son père est né et a participé à la création du Carré d’art de Nîmes, cette exposition est la première grande monographie qui lui est consacrée dans la région. Le MRAC de Sérignan lui offre pour l’occasion 1600 m² où déployer neuf de ses projets. L’exposition ne prend pas pour autant la forme d’une rétrospective chronologique, mais s’attache à déployer les thèmes qui parcourent la carrière de l’artiste, tels que la rupture, la cécité ou la mère.
Au premier abord, les espaces semblent vides. La succession habituelle de textes et de photos aux murs, ici une chaise et là des ex-voto au sol, aussi blancs que celui-ci. L’espace est grand ouvert, prêt à se remplir de nos sensations et de nos émotions. Car en lisant la vie de Sophie Calle et ses expériences si proches des nôtres dans leur essence, chacun y superpose peu à peu les siennes et vient combler les vides. Certaines œuvres, telles que Pas pu saisir la mort qui capture en vidéo les derniers instants de la mère de l’artiste, accrochent presque par surprise nos propres douleurs, tandis que d’autres pièces nous amusent, nous font voyager, nous interpellent.
En parlant de son intimité, ou de celle de ses sujets, Sophie Calle fait appel à notre capacité à l’empathie, qui nous connecte à nos ressentis tout autant qu’à ceux des autres, qu’ils nous soient proches ou complètement étrangers. Dans la situation mondiale actuelle, c’est une capacité qu’il nous semble primordial de cultiver. Des textes qui décrivent sans jugement, des images qui n’envahissent pas l’intimité du sujet, des émotions comme lien au monde : tout en retenue et pudeur, l’œuvre de Sophie Calle demande au spectateur qu’il lui accorde le temps nécessaire pour s’y plonger et s’y connecter.
Les pièces de l’artiste sont reconfigurées à chaque nouvel accrochage, certaines sont toujours en cours de création : si le contenu est le même, la perception de l’œuvre peut varier. Ainsi, Voir la mer est projeté sur huit écrans de cinéma alors que l’on connait plutôt la pièce sur huit petits moniteurs, retranscrivant l’immensité de la mer. La vie est sa matière première et puisque celle-ci est en constante évolution, ses pièces suivent le mouvement. Au lieu de figer ses expériences, Sophie Calle les observe, leur laisse la possibilité de changer et de modifier le regard qu’elle porte dessus. Elle va même jusqu’à compléter l’accrochage de cette exposition par des commentaires au crayon sur les murs, graffitis de dernière minute.
À l’occasion de Etes-vous tristes ?, et afin de pallier l’absence de catalogue que Sophie Calle considère redondant avec les publications qu’elle fait pour chacune de ses pièces, le MRAC et Actes Sud ont sorti une réimpression de son livre Douleur exquise, devenu difficile à trouver. Pièce centrale autour de laquelle l’exposition s’est construite, qui contient de nombreuses thématiques récurrentes dans le travail de l’artiste, un chemin vers la douleur puis vers la guérison, c’est elle qui pourra nous accompagner jusque chez nous et s’intégrer dans notre intimité.
Cette exposition du MRAC est un recueil d’histoires d’une vie qui demande au public de prendre le temps de lire les mots délicats de Sophie Calle, de s’imprégner d’eux et de s’ouvrir à tout un éventail d’émotions. Une reconnexion du corps et de l’esprit, en quelque sorte.
Sophie Calle – Etes-vous triste ?
Du 12 avril au 21 septembre 2025
MRAC Occitanie – Sérignan
Visuels :
1- portrait Sophie Calle © photo Yves Géant 2024
2- Sophie Calle, Voir la mer, 2011 © Perrotin
3- Sophie Calle, Douleur exquise il y a 88 jours © photo Tanguy Beurdeley
4- Sophie Calle, Où et quand ? Lourdes © Perrotin