Jusqu’au 21 avril, des œuvres du plasticien Miguel Barcelo dialoguent sur deux étages avec des œuvres de la collection d’art premiers du Musée Barbier-Mueller. Une rencontre incisive et belle, qui se fait sous les auspices de la scarification.
« J’espère qu’aucun être humain, aucune religion, aucune culture, si petite soit-elle, ne disparaîtra sans avoir laissé une trace claire », écrivait Jean-Paul Barbier Mueller qui a installé depuis 1977 une collection d’arts premiers initiée par son beau-père dans un musée au coeur de la vieille ville de Genève. Né à Majorque, le plasticien Miguel Barcelo a beaucoup voyagé, notamment en Afrique et a installé un temps son atelier en Pays Dogon. Alors que Monique Barbier-Mueller collectionne Barcelo depuis longtemps, l’idée de l’exposition date de 2008. Elle est en acte sur deux étages, depuis l’automne .
Dès l’entrée, la magnifique scénarisation et les jeux de lumières frappent l’œil et des œuvres d’une diversité d’époques et de techniques extraordinaires nous parviennent comme une variation de gris cicatrisés : il y a là de la sculpture, de la peinture, de la céramique et de l’estampe. La scarification, c’est à la fois l’acte de l’humain en tant que sujet et souvent un acte qui correspond à un moment sacré. Quand on se penche, on voit la blessure, par exemple dans l’autoportrait de Miguel Barcelo entre deux masques urhobos (Niger). Des tabourets anthropomorphes hemba (rep. Congo) nous mènent vers un ensemble presque sacré de vases et visages qui est dérobé du reste de l’exposition. A l’étage, le portrait de Schopenhauer par Barcelo apparait, expressionniste, entre deux masques.
Le geste de scarification de Barcelo est probablement le contraire du sacré en arts premier. C’est par terreur de voir son œuvre individuelle disparaître qu’il anticipe cette érosion. Il invite dès lors des ouvrières singulières à travailler avec lui à son atelier de Majorque : les termites. Elles mangent les œuvres qui deviennent des vestiges. Cette technique que l’artiste appelle xylophagie donne des œuvres absolument puissantes comme Ivres à midi au soleil avec termites (1994). Leur dialogue avec les collections du musée Barbier-Mueller nous saisissent car elles nous happent vers notre fragilité d’humains, aussi bien que de civilisation. Mais derrière la scarification, il y a la trace, volontaire et peut-être finalement très claire de ce que l’art permet de transmettre…
Musée Barbier-Mueller
10, rue Jean-Calvin
1204 Genève – Suisse
Tel. +41 22 312 02 70
Le musée est ouvert tous les jours de l’année de 11h à 17h
Tarifs : 8 CHF (plein), 5 CHF (réduit)
visuel(c) YH