Jusqu’à janvier 2026, le Palais Galliera offre une rétrospective au plus anti-fashion des designers. Rick Owens, lui-même directeur artistique de l’exposition, signe ce parcours qui rend hommage à sa carrière de designer prodige et anticonformiste.
L’exposition présente plus de 100 silhouettes emblématiques, ainsi que des archives personnelles du créateur. En opposition radicale avec l’univers toujours formaté de la mode, le créateur n’a de cesse, depuis les années 90, de défier les normes esthétiques classiques : des silhouettes sensuelles et étranges, il explore le subversif, le dérangeant et l’excentrique dans son travail des formes, des coupes et des matières.
Rick Owens, c’est un univers mi rock’n’roll, mi punk, transgressif et revendicateur. Inclassable et intemporel, il est au confluent du mouvement minimaliste et anti-fashion des années 90. D’abord modéliste en Californie, dans le prêt-à-porter, c’est la grande technicité de ses créations qui attire l’attention. Sa rencontre avec Michèle Lamy oriente sa carrière vers les podiums en l’encourageant à lancer sa propre maison en 1992. Une vision singulière, qui fait d’eux un véritable binôme de création. En 2002, il est révélé par Anna Wintour dans Vogue USA et présente son premier défilé à New York avant de rejoindre Paris.
Il embrasse également la sous-culture du gothique, qui a pour objectif de sublimer chaque aspect de la vie, des plus attirants aux moins resplendissants. De sa culture familiale, Rick Owens conserve une fascination pour l’esthétique hollywoodienne de la première heure. Il se prend de passion pour les silhouettes allongées et majestueuses des films de Cecil B. DeMille : robes fourreau, coupes en biais, carrures structurées. Il puise aussi dans des influences musicales, historiques, mystiques et littéraires anachroniques. De À Rebours, de Huysmans, il conserve une obsession de la quête de la beauté pure, du sublime. Ces références qui alimentent son inspiration, il se plaît à les pervertir.
Ses créations sont aussi empreintes d’influences des années 80, de sa vie nocturne et de la scène underground, ainsi que de ses revers, comme le sida, qui brisent sa génération. Il présente un glamour déchu, matérialisé par des patines, usures et décolorations, à l’épreuve de l’expérience humaine. Il confirme : « Mes vêtements sont mon autobiographie. »
Ses créations sont souvent assimilées au mouvement architectural brutaliste. Né à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, ce courant se caractérise par un usage du béton brut, des volumes géométriques et une rugosité apparente. De fait, ses silhouettes du courant des années 2000 laissent apparaître des formes sévères, anguleuses, souvent monumentales. À l’instar du brutalisme, elles suscitent autant d’incompréhension que de fascination. Une esthétique également retrouvée dans la ligne de mobilier que ce dernier lance en 2005.
La création chez Owens est un art performatif. Ses vêtements, aux lignes architecturales, sont conçus comme des témoins de l’existence. Un univers parallèle, aussi radical que fascinant. Célébrant la différence, il incarne une réelle alternative créative. En 2003, Rick Owens quitte Los Angeles pour Paris.
Indépendant et transgressif, ses défilés se teintent de réflexions politiques, dénonçant l’intolérance et le patriarcat. Dès 2013, il donne à ses collections une portée morale, en réaction à la banalisation de l’intolérance en Occident et à l’inaction face au changement climatique. Ses collections questionnent un rapport à l’éphémère de plus en plus pervers, et s’inscrivent dans une démarche visant à transformer ses créations en œuvres intemporelles. Un questionnement qui va dans le sens d’une remise en question de la production dans cette industrie, de son adaptation et de sa durabilité. Ses silhouettes se transforment en sculptures, emblèmes de protestation.
De 2014 à 2016, il présente également trois collections majeures qui font écho aux enjeux sociaux et culturels contemporains : corps différents, dénudés, mis à l’épreuve. Ses défilés deviennent de véritables performances. Au printemps-été 2014, le stepping — danse afro-américaine symbole de la lutte raciale et féministe — est mis à l’honneur. Des femmes rondes, métisses, noires, musclées, se servent de leurs corps comme d’un instrument, un parti pris antagoniste en réponse aux standards de l’industrie de la mode. En automne-hiver 2015-2016, c’est la domination du regard patriarcal, par le biais de la nudité et de l’objectification du corps masculin, qu’il traite.
Exposition au Palais Galliera, Paris 16e
Du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026
Tarifs : Entrée 14€, tarif réduit 12€. Billet couplé (expo temporaire + expo collections) 17€, tarif réduit 15€.
Crédit photo : Rick Owens au Palais Galliera / Michèle Lamy © Rick Owens