Nature et technologie se retrouvent aux Constellations de Metz

Deux parcours diurnes qui animent l’espace public

Le festival des Constellations de Metz se divise en trois parcours entièrement gratuits dans toute la ville. Tous visent à mettre en valeur son patrimoine architectural, en le réinterprétant ou en lui donnant un nouvel éclairage. De jour, le parcours Art et Jardins invite à une promenade le long de la Seille et de la Moselle, les cours d’eau qui entourent la ville. Le thème retenu cette année est celui de l’hybridation, et avec dix œuvres, dont sept créations pour cette édition, on flâne entre végétal, animal, minéral et toutes les chimères que l’on peut en tirer pour interroger les limites de l’identité et les possibilités de transformation.

Les parcours Art et Jardins et Art urbain se croisent au pont Sainte-Barbe, où les oiseaux géants de Virgile Bordin rencontrent l’installation graphique et cinétique de Vincent Bargis, qui rappelle la peinture réalisée sur le parvis devant le Centre Pompidou Metz par Carlos Cruz Diez en 2018. Les œuvres se cachent dans les interstices de la ville et invitent à une chasse au trésor artistique qui pousse à renouveler le regard sur le décor du quotidien.

Dans ce parcours, notons la fresque murale « Droit au but » qui s’inscrit dans le programme French American Mural Art porté par l’Ambassade et les Consulats des Etats-Unis en France. L’œuvre a été l’occasion de créer une rencontre artistique autour du thème de l’inclusion et de l’esprit d’équipe entre l’artiste américaine Sofahood et l’artiste française Bérénice Milon. Autre œuvre à ne pas manquer, l’incroyable « Présage » du duo MonkeyBird qui met en exergue l’architecture de la ville et les découvertes astronomiques avec une peinture murale au pochoir de plusieurs mètres de haut extrêmement précise. Enfin, la rétrospective consacrée à Lotty Rosenfeld accompagne les voyageurs dans la gare comme l’artiste perturbait l’espace public par ses interventions artistiques militantes.

Un parcours nocturne hypnotique

Dès que la nuit tombe, les lumières du parcours « Pierres numériques » s’allument et se mettent en mouvement. Placée sous le thème du biomimétisme, cette édition propose de très belles créations parmi les douze œuvres d’artistes français et internationaux. Ils étaient invités à s’inspirer du vivant et de ses altérations dues au changement climatique pour en tirer des pistes d’expérimentation et répondre aux problématiques du développement non durable actuel. Comment, en observant les systèmes qui permettent aux différentes espèces de s’adapter à leur milieu, peut-on changer notre approche destructrice de l’environnement, et notre point de vue sur notre place en son sein ? Le soir de la visite, la météo elle-même s’en est mêlée, le ciel zébré d’éclairs répondant aux lasers et la pluie diffractant les lumières, nous offrant ainsi un regard inédit sur les installations et soulignant la pertinence des questions soulevées.

Le principe même de ces installations numériques lumineuses et sonores est leur côté éphémère et intangible. Cette année, cet aspect est particulièrement sensible, avec des œuvres telles qu’ »Evanescent » de l’Atelier Sisu, qui met en scène d’énormes bulles de savon. Sur les structures gonflables très légères sous lesquelles on peut passer, des couleurs irisées nous hypnotisent dans un mouvement à la fois poétique et régressif de la bulle. Ce travail sur l’air est commun à plusieurs œuvres : « Chevalvert » fait flotter des étendards dorés animés par des balançoires lumineuses et Luminariste met en scène « Cymopolée », une tornade de son et de lumière. Celle-ci nous raconte en dix minutes très expressives le cycle d’une tornade, de la destruction à la reconstruction. « Intangible #form » de Shohei Fujimoto, avec son ballet de lasers, nous propose quant à lui de décoder nos sensations face à la découverte de la structure des choses.

Nouveauté de cette année, le parcours intègre une exposition d’œuvres NFT qui dressent un parallèle entre les systèmes de la nature et ceux de la technologie tout en s’interrogeant sur comment la technologie pourrait fusionner avec la nature pour coexister dans un avenir plus durable. La projection vidéo « Omniprésence » de Guillaume Walle et Josselin Fouché suit elle aussi la piste des similitudes entre nature et technologie avec les fractales que l’on retrouve dans la nature et les mathématiques ; et applique le principe à l’architecture. Le clou du spectacle, le mapping vidéo sur la cathédrale, s’intéresse lui aussi dans la première partie de Félix Frank à ces fractales. Dans une magnifique envolée poétique, nous assistons à la création de l’univers, de la lumière, du gaz, de l’eau et de la matière solide, le tout accompagné d’une musique à 432Hz, la fréquence de la nature.

La programmation de cette édition des Constellations est particulièrement émouvante, et certaines des œuvres présentées justifieraient à elles seules le détour, pour plonger, le temps d’un week-end, dans les lumières poétiques de la nuit et s’accorder à la fréquence de la nature.