Alors que le marché de Noël le plus célèbre de France ouvre demain, mercredi 27 novembre, à Strasbourg vous avez jusqu’au mois de juin pour voir l’une des expositions d’art contemporain actuelles les plus conceptuelles et les plus lumineuses. Dans son bâtiment impressionnant, le grand cube du MAMCS propose en effet sous le titre « mode d’emploi, suivre l’artiste » une traversée du siècle écoulé à travers la question de l’œuvre à Protocole.
L’œuvre à Protocole est donc une création qui repose – avant même son aspect esthétique- sur le mode d’emploi qui lui donne naissance. L’artiste fournit donc littéralement un manuel d’utilisation au spectateur… Et dans ces directives, se tient l’acte de création.
Cela commence dès le hall, où un cartel devient proprement une œuvre quand il établit la liste des 100 œuvres d’art “impossibles” à réaliser. Et le circuit du visiteur se termine hors de l’espace d’exposition également, par une devinette à aller découvrir… à la cafétéria.
Entretemps on vit une véritable traversée de l’histoire de l’art qui démarre avec l’art conceptuel des plasticiens Marcel Duchamp, László Moholy-Nagy ou Lawrence Weiner. Pour se terminer avec la question de l’œuvre qui crée sa propre disparition – par une auto critique avec la plasticienne qui a reçu en 2013 le PMD (Prix Marcel Duchamp), Latifa Echakhch. Dans l’œuvre Gaya elle mélange le sel de la terre, du colorant alimentaire et une réflexion sur l’orientalisme.
Entretemps, contre toute attente, le parcours est hyper visuel et monumental, avec des œuvres par exemple de Yoko Ono, Sol LeWitt ou Daniel Buren. On s’attarde sur les POF (prototype d’objets en fonctionnement) de Fabrice Hyber qui nous font entrer dans un monde parallèle et exploratoire. Et c’est aussi très interactif au fur et à mesure qu’on se prend au jeu de s’approprier les œuvres avec ces modes d’emploi. Cela fonctionne comme des jeux de piste, qui ont un goût d’enfance.
Et l’on réalise assez vite que les œuvres à protocole arrivent à maturité au moment de la création de l’informatique dans les années 1960 ! Plus l’exposition avance, plus on pense aux « prompts » que nous dictons à Chat GPT, ces instructions qu’on donne à l’Intelligence Artificielle. A l’heure de l’IA génératrice, poser la question de la créativité du protocole mais aussi de la liberté qu’il peut générer est très stimulant. “L’œuvre est ouverte. L’artiste, n’impose plus sa vision du monde mais produit des systèmes qui permettent à chacun de se faire la sienne”, écrit le plasticien Claude Rutault. Et si la vraie promesse de notre art contemporain n’était pas le quart d’heure de gloire warholien, mais pour ceux et celles qui s’en donnent la peine, la véritable démocratisation de la création par le biais de prompts de plus en plus subtils ?
Visuel (c) affiche