Sur les hauteurs de Barcelone, l’exposition Miró Matisse n’atteint pas les sommets. Si la fondation ne déçoit jamais, son exposition temporaire en coproduction avec le musée Matisse de Nice semble être passée à côté de son sujet, avec un accrochage mettant en parallèle, mais finalement presque jamais en dialogue, des œuvres relativement mineures de ces deux grands artistes du XXe siècle.
Il faut dire que l’affiche est plus qu’alléchante. Une rencontre entre ces deux monstres sacrés du XXe siècle est nécessairement irrésistible. Servie par une communication et un plan média impeccables, on a envie de s’y précipiter dès qu’on pose le pied à Barcelone.
Et c’est toujours une excellente idée que de se rendre sur les hauteurs de Montjuïc à la fondation Joan Miró. Dominant la ville et son port, le musée imaginé par l’architecte Josep Lluís Sert est sublime.
La visite démarre par l’éblouissante collection permanente, baignée dans la belle lumière barcelonaise. Un pèlerinage obligatoire en terres catalanes pour tout amateur d’art.C’est qu’accéder à l’exposition temporaire se mérite. Nichée en haut du musée, il vous faudra d’abord admirer tous les chefs-d’œuvre du musée. Tous ceux que la fondation n’a pas jugés utile de prêter à la coproduction pour nourrir le propos d’un projet d’exposition pourtant des plus exigeants.
L’exposition se présente elle-même comme un « dialogue ». La double rétrospective adopte une approche chronologique qui met en lumière les périodes clés des œuvres de Miró et de Matisse. Et si la progression de chaque artiste est parfaitement respectée, tout est fait dans l’accrochage pour nous faire croire à un dialogue de sourds entre les deux artistes. Les œuvres ne se répondent presque pas, chacun reste à sa place avec des salles littéralement coupées en deux. Les œuvres ne se rencontrent presque jamais, et se regardent de façon presque provocante. Tellement frustrant.
Il faut en fait attendre la dernière salle, pour que la magie opère tout de même un peu. Ainsi le « Gant blanc » de Miró (1925) semble saluer la « Vue sur Notre-Dame » de Matisse (1914), par une approche colorimétrique similaire et troublante. Une dernière étape de visite, qui donne envie de reparcourir toute l’exposition, pour y reconstruire mentalement toutes les confrontations picturales que l’accrochage n’a pas osé.
Pourtant, il y avait au départ une belle matière pour imaginer une telle exposition. Les deux artistes ont toujours fait preuve d’une amitié et d’une admiration réciproque qui ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’art européen du XXe siècle.
Mais l’ambition curatoriale s’est sans doute échouée contre les égos de ces 2 grands musées méditerranéens… Si le musée Matisse et la fondation Joan Miró se regardent au loin, tels deux phares perchés sur les hauteurs de leur ville respective, les deux institutions continuent à faire la même chose dans l’exposition.
Une occasion loupée de démontrer à quel point Miró et Matisse ont révolutionné et redéfini l’art moderne. Mais si vous vous rendez à Barcelone, ne manquez pas d’aller voir cette expo. Il est des ratages qu’on ne regrette pas d’avoir vu dans sa vie.
Miró Matisse, Fondation Joan Miró de Barcelone, jusqu’au 2 février 2025
Visuel, photos : © David Hanau