L’exposition « All About Love » de Mickalene Thomas se déroule jusqu’au 26 Avril 2026 à Paris, au Grand Palais. Avec ses peintures, photographies, collages, installations, vidéos, elle y célèbre la femme noire et l’art d’aimer. Cette rétrospective est la plus importante jamais proposée à Paris des œuvres de Mickalene Thomas.
« All About Love » : le nom de l’exposition fait référence au livre de l’écrivaine américaine et icône féministe Bells Hooks. Féministe et militante Mickalene Thomas l’est sûrement, elle le revendique haut et fort: « je définis mon travail comme un acte féministe et politique, je suis noire, queer et femme ». Née le 29 janvier 1971 dans le New Jersey, elle vit et travaille à Brooklyn. Elle a été influencée par le pop art, l’esthétisme des années 70, le mouvement « Black is Beautiful ». Grande connaisseuse de l’art européen, elle s’intéresse au mouvement impressionniste et va visiter en 2011 la maison de Monet à Giverny. Elle nous montre sa « Maison de Monet », une œuvre gigantesque réalisée à partir de photographies, ayant nécessité 50 collages! Elle s’inspirera aussi du cubisme, de Picasso et de Matisse en particulier, cette artiste figurative réinventera aussi une forme d’abstraction.
Nous découvrons une artiste aux multiples talents. Elle associe dans ses œuvres peinture à l’huile ou acrylique, collages, photographies. Elle crée également des installations et des vidéos dont l’une intitulée « Je » où elle dévoile son intimité, à la fin de l’exposition. Mickalene Thomas a trouvé son propre style, la combinaison de peintures acryliques, d’émaux et de strass porte sa signature. Les salles vastes et claires du Grand Palais sont un cadre adapté pour accueillir ces toiles très grandes, lumineuses, colorées. Par contre le repérage du nom des œuvres n’est pas toujours facile pour le visiteur.
« Afro Goddess Looking Forward »: cette divinité est l’affiche de l’exposition. Dans cet autoportrait, elle est assise sur un divan. Une photographie de ses propres yeux lui sert de masque, elle regarde l’avenir avec assurance. Cette femme noire majestueuse est à la fois une artiste et une muse. Mickalene Thomas s’est entourée de ses « muses » mais la femme ne doit pas se cantonner au rôle classique de muse, elle doit être aussi créatrice. Elle veut redonner à la femme afro-américaine sa juste place dans l’art alors qu’elle a été trop souvent réduite à des rôles de servante, de figurante, d’esclave.
Elle va inverser les représentations de tableaux célèbres comme Le déjeuner sur l’herbe de Manet et celui de Monet. Dans son« Déjeuner sur l’herbe : trois femmes noires » elle utilise la peinture acrylique, les photographies et les papiers imprimés. Dans un décor luxuriant, avec abondance de fleurs, les trois femmes noires se reposent confortablement dans une atmosphère de sororité confiante. Mickalene Thomas s’est aussi inspirée de la Grande Odalisque et de l’Odalisque à l’esclave d’Ingres. Dans sa toile « A Little Taste Outside of Love », la position est identique, la femme nue est à demi allongée sur un divan, dans un riche décor mais…elle est noire. Cette femme n’est autre que sa muse Maya qui à grand renfort de strass brille comme une déesse.
Mickalene Thomas veut célébrer les beautés noires et leur donner une dimension érotique qui a été trop longtemps occultée. Sandra Bush, sa mère, était mannequin. Sur sa photographie elle est très belle, très digne, devant sa maison dans sa robe rouge éclatante. Dans un décor intime, Din, une autre muse, vêtue d’une jupe rouge, tient dans sa main un miroir. Mais sûre de sa beauté, elle ne s’y regarde pas.
« Sleep :deux femmes noires » évoque le tableau de Courbet « Sommeil ». La sensualité est manifeste. Deux femmes noires enlacées somnolent en toute confiance dans un abondant décor végétal.
Grâce aux collages Mickalene Thomas réinvente une forme d’abstraction marquée par le cubisme. Elle explore l’érotisme noir, s’inspirant des magazines populaires des années 70 et de la revue « Jet ». Par l’audace des formes, elle crée la surprise, les tableaux sont souvent ludiques. Cette salle est une féerie de corps féminins illuminés par un festival de couleurs. En face, un parterre de fleurs apporte une touche de douceur bienvenue.
Mickalene Thomas est une militante de la cause afro-américaine. En arrivant dans la salle « Résiste » le visiteur pourra méditer la phrase de James Baldwin : « on ne peut pas changer tout ce que l’on affronte mais rien ne peut changer tant que l’on affronte pas ». « Guernica detail » associe des images de la guerre d’Espagne à celles des manifestations pour les droits civiques ou lors du mouvement « Black Lives Matter ». Dans « Say their Names » de multiples noms s’inscrivent sur une toile blanche qui paraît elle même déchirée, en hommage aux victimes des violences racistes.
« Les lutteuses » sont impressionnantes, leur combat aussi est un refus de la domination, de la soumission. L’allusion aux Amazones de la mythologie grecque est claire, elles rappellent par leur postures certaines statues grecques antiques. Leur lutte paraît intense, sauvage, cette sensation est renforcée par la vivacité des couleurs et par les tenues zébrées.
Et puis il y a les installations. Dans presque chaque salle une place est faite pour un petit salon dont ceux de la mère et de la grand-mère de l’artiste. Le salon est un refuge pour les familles noires, un lieu d’échanges joyeux et également de résistance. Quelques fauteuils, de petites tables, quelques livres empilés, un éclairage apaisant et même de la musique… tout incite le visiteur à la détente, à profiter du moment.
Entre les salons « cosy » et les toiles éclatantes, parcourir cette exposition est un vrai plaisir. Car cette célébration de l’amour et de la féminité est vraiment réjouissante.
Visuel ©: Afro Goddess Looking Forward, 2025 Mickalene Thomas/ADAGP Paris
Mickalene Thomas : All About Love, jusqu’au 26 avril 2026, au Grand Palais , Galerie 7, 17 avenue du Général Eisenhower 75008 Paris. Tous les jours de mardi à dimanche de 10h à 19H30, jusqu’à 22h le vendredi.