Jusqu’au 28 octobre 2023, l’exposition Les choses qui restent dévoile des oeuvres hybrides dans lesquelles les identités dialoguent. D’héritage classique dans la technique et la composition ou inspirées par Matisse, elles sont parsemées d’objets contemporains qui invoquent pour beaucoup les origines de l’artiste, à la fois photographe, dessinatrice et sculptrice.
Diptyques, triptyque, natures mortes très proches de celles du 17ème siècle avec des fleurs et des fruits si vrais que l’on aimerait croquer dedans, hommages à Matisse et à sa période des papiers collés… la première impression de l’exposition de Maya Inès Touam à l’espace historique de la galerie Les Filles du Calvaire dans le Marais (un second espace de 300m2 a ouvert récemment rue Chapon) est celle d’une petite rétrospective de l’histoire de la peinture, des retables de la Renaissance nordique au 20ème siècle, avec une insistance sur un néo-classicisme épuré d’artifices, presque sacré.
Mais la malice de l’artiste franco-algérienne est de nous inciter à prendre le temps de regarder chaque oeuvre car lorsque l’on s’approche d’elles, des symboles aussi imprévus que discrets s’immiscent dans chaque composition. Si les balghas incarnent un aspect des traditions subsahariennes et nord africaines, discutant en toute harmonie avec une autre tradition, celle des natures mortes occidentales, des éléments plus contemporains entrent également avec une pudique ingérence dans ces décors sobres et solennels.
Artefacts profanes d’un anachronisme ludique, le couscoussier en inox, la petite boite de conserve, les créations d’une célèbre marque de maroquinerie et les panneaux lumineux viennent jouer les trouble-fêtes mais avec humilité, sans perturber l’ensemble de la composition. Cela rappelle ainsi certaines oeuvres de Dalí qui mêlaient sans querelle le classique et le moderne.
Dans Les choses qui restent, Maya Inès Touam, actuellement en résidence à Poush Manifesto à Paris et enseignante en photographie en milieu scolaire, rend également hommage à Henri Matisse. Elle s’inspire des natures mortes réalisées par le peintre fauviste, ébloui par le soleil du Maroc et de l’Algérie qu’il a visité, mais aussi par sa série des papiers découpés, Polynésie : la mer et Polynésie : le ciel ainsi que l’album Jazz publié en 1947.
En revisitant quelques pièces maîtresses de Matisse, l’artiste propose les souvenirs de son enfance en forme de précieuses reliques évanouies dans l’azur et se réapproprie le Icarus qui devient le héros tragique de ces funestes traversées motivées par le désir d’une vie meilleure mais se terminent dans les bras d’une mer devenue un cimetière.
En mettant côte à côte des objets aux temporalités et aux origines différentes comme ces livres anciens caressés par une tulipe et qui semblent prendre de haut des cassettes audio, Maya Inès Touam, diplômée en 2013 de l’École des Beaux-Arts de Paris, montre aussi que l’horloge tourne et fane le monde vivant mais que les objets demeurent, d’où qu’ils viennent. Le titre de l’exposition, Les choses qui restent, prend alors tout son sens.
Dans ses oeuvres, les objets ni choisis ni disposés par hasard sont des fragments que le temps saisit pour se sentir moins seul lorsque la vie et la nature se sont éteintes comme dans les représentations des vanités. Ces mêmes objets deviennent alors les témoins privilégiés d’une conversation sans arrière-pensée entre les hémisphères nord et le sud et entre les cultures occidentales et orientales.
Galerie Les Filles du Calvaire
17 rue des Filles du Calvaire 75003 Paris
Ouverte du mardi au samedi de 11h à 18h30