Le Musée d’Orsay à Paris consacre, du 12 septembre 2023 au 7 Janvier 2024, une exposition au Poème de l’âme de Louis Janmot. Cette œuvre majeure comporte 18 peintures et 16 dessins accompagnés d’un long poème de 2800 vers.
«Je me prends parfois comme tout le monde à sourire de mon obstination à achever une œuvre commencée depuis 40 ans». Ainsi s’exprimait Louis Janmot (1814 – 1892) à propos du Poème de l’âme, l’œuvre de sa vie, créée entre 1835 et 1881. Le poème de l’âme traverse l’essentiel du 19ème siècle, et traduira ses bouleversements, ses conflits religieux et politiques. Le Poème de l’âme s’inspire des Nazaréens qui voulait renouveler la peinture religieuse, mais aussi de la peinture italienne de la renaissance, avec des références à Raphaël et Botticelli. Louis Janmot sera influencé par La Divine Comédie de Dante et l’âme sœur portera le nom de Béatrice!
Nous sommes invités à la déambulation d’une âme sur terre et le visiteur découvre une grande fresque, avec une dimension religieuse et historique. Dans la première partie (les peintures) l’âme est un enfant puis un adolescent accompagné d’une âme sœur. Dans la deuxième partie (les dessins) l’âme a perdu son double féminin et doit affronter les tentations terrestres et la solitude.
A l’entrée de l’exposition, un auto portrait du peintre frappe par sa sévérité, son austérité. Mais dès la première salle, le visiteur sera séduit par la beauté des peintures, par leur couleurs, par la lumière. Elle peut être presque éblouissante, illuminant la divinité, intime éclairant la table familiale, très douce lorsque la lumière du soir enveloppe «l’Ange et la mère». Les paysages sont superbes, très élaborés. Louis Janmot reproduit une nature riche, verdoyante, harmonieuse, évoquant le jardin d’Éden dans «Le Printemps» ou «Le Grain de blé». Elle est plus tourmentée dans «L’Idéal» lorsque les deux âmes s’envolent vers le ciel. Les vêtements sont tous aussi remarquables: dans la première communion le peintre confère aux robes des communiantes, une légèreté, une transparence prodigieuses, le visiteur pourrait ressentir le toucher délicat du voile. La peinture est d’une grande expressivité. Il nous fait ressentir la tendresse d’un amour platonique dans «Un soir», l’effroi dans «Cauchemar», la grande tristesse du jeune homme face à la croix lorsqu’il a perdu sa compagne.
Louis Janmot était profondément catholique et …très conservateur. Il était un défenseur farouche de l’éducation religieuse, de la famille menacée par la loi sur le divorce et de la monarchie. Ses tableaux sont parfois polémiques. Dans le «Mauvais Sentier», les enfants montent, inquiets, un interminable escalier sous la menace de sombres personnages: ceux sont les mauvais professeurs de l’école non religieuse. Les enfants sont sereins, apaisés lorsqu’ils écoutent l’enseignement d’un prêtre dans une nature idyllique. L’œuvre de Louis Janmot tend vers un idéal. Elle est riche d’un souffle épique et religieux que ressentira le visiteur en écoutant les poèmes récités qui accompagnent les tableaux. Cet idéal, cette recherche du sublime culminent peut être dans l’émouvant tableau «Sur la montagne», lorsque les âmes atteignent le sommet de leur itinéraire spirituel.
Louis Janmot est aussi un grand dessinateur, comme le montre ses esquisses et surtout les 16 dessins de la deuxième partie. Il s’agit de dessins au fusain sur papier beige ou bleu avec des rehauts de craie blanche. Cette deuxième partie est beaucoup plus sombre. L’artiste a été éprouvé par des deuils et des difficultés sentimentales. La qualité du dessin apparaît dans les détails comme dans «l’Orgie» avec la beauté du sol , des colonnes mais aussi la table en désordre, les verres renversés: le visiteur assiste vraiment à cette scène déplorable Les paysages sont tout aussi remarquables, comme l’épaisse forêt où s’est égaré le jeune homme L’influence du romantisme allemand est frappante. Mais l’âme se retrouve aussi dans des montagnes désertiques, dans «Le Doute» ou dans un décor chaotique dans «Sans Dieu». Ses dessins sont très expressifs. Le visage de l’âge adulte exprime tout à tour la résignation et l’ennui dans «Solitude», l’interrogation et l’inquiétude dans «Le Doute», le désespoir dans «Sans Dieu». Dans «Sursum Corda» le dernier dessin, sur papier rose cette fois, l’homme entrevoit ses retrouvailles apaisées avec l’âme sœur au paradis.
Le Musée d’Orsay a choisi de nous révéler l’œuvre unique d’un artiste méconnu. Un choix judicieux! Cette exposition nous montre un aspect inhabituel de l’histoire de l’art du 19ème siècle. Mais surtout le visiteur aura un choc esthétique: ces peintures et ses dessins sont d’une grande beauté, d’une beauté saisissante.
Visuel ©: Louis Janmot Le Poème de l’âme, L’Idéal