Du 2 octobre 2024 au 27 janvier 2025, le Musée de l’Orangerie à Paris expose la collection Heinz Berggruen. Le visiteur pourra découvrir 90 œuvres de Pablo Picasso, Paul Klee, Henri Matisse, Alberto Giacometti en provenance du musée Berggruen à Berlin.
Heinz Berggruen. Derrière ce nom peu connu se cache un trésor, son inestimable collection. Né à Berlin en 1914, Heinz Berggruen a dû s’exiler en Californie en 1936. A San Francisco, il noue ses premiers contacts avec le monde de l’art. De retour en Europe après guerre, il s’installe à Paris. Il ouvre une première galerie place Dauphine en 1948 puis rue de l’Université à partir de 1950. Il deviendra un acteur majeur du marché de l’art, « le meilleur client de Paris ». De retour à Berlin en 1996, il fait don de sa collection à l’Etat allemand en 2000, par le biais d’une fondation qui deviendra en 2004 le musée Berggruen.
Nous pouvons découvrir cette collection au musée de l’Orangerie jusqu’à 27 Janvier prochain. Une collection exceptionnelle mais aussi très cohérente, centrée sur des œuvres de la première moitié du 20ème siècle. L’exposition est spacieuse, aérée. Elle est didactique avec des explications claires, certaines destinées aux enfants. Une frise résume la vie d’Heinz Berggruen.
Les œuvres de Picasso sont les plus nombreuses. Heinz Berggruen rencontre Pablo Picasso en 1949. Une amitié va naître. Berggruen est très sensible aux natures mortes et aux représentations de la figure humaine. Il est fasciné par le cubisme qu’il voit comme une déconstruction et reconstruction de la réalité, une nouvelle représentation des objets dans l’espace. Le visiteur pourra admirer de nombreuses œuvres cubistes de Picasso comme Guitare et journal (1912), remarquable par la superposition des couleurs, la profondeur sombre du bleu, la guitare objet fétiche de la période cubiste. De la même période, la Nature morte sur un piano est un tableau plus complexe, «un morceau de bravoure optique contenant à lui seul tout le vocabulaire cubiste». Certaines peintures sont figuratives comme Scène de café concert, datant de 1902, lors de la période bleue du peintre. L’ambiance est pesante, étouffante, on ressentirait presque les vapeurs d’alcool. L’exposition nous montre aussi des œuvres de la maturité de Picasso. Le Matador et la femme nue date de 1970, il s’y dégage une grande énergie rehaussée par le rouge vif de la cape du Matador, mais aussi une féminité généreuse. La lecture a été peinte en 1953. La composition du tableau, la posture de la femme, toute attentive, penchée sur son livre, l’association des couleurs vives rendent ce tableau séduisant. L’orange, le vert, le bleu, le jaune se répondent harmonieusement. L’exposition nous révèle donc un panorama assez complet de l’œuvre picturale de Picasso.
Le visiteur pourra admirer la sculpture La Place d’Alberto Giacometti et son lustre qui domine la dernière pièce de l’exposition. Celle ci fait une part beaucoup plus importante à Henri Matisse qui tiendra une place importante dans la vie professionnelle d’Heinz Berggruen. IL sera le premier à exposer en 1953 les Papiers découpés et collés de Matisse et il y gagnera une renommée internationale. Ainsi nous verrons le Nu bleu, Sauteuse de corde (1952), une célèbre silhouette élégante, élancée et Éléments végétaux, une œuvre réalisée avec la même technique de découpages dans la couleur, remarquable par ses teintes lumineuses. Mais les peintures figurative de Matisse sont aussi présentes, comme Intérieur Étretat (1920) La chambre bleue est apaisante, confortable, une jeune fille s’y repose. C’est un lieu d’intimité mais aussi d’évasion avec la fenêtre ouverte sur la mer et les bateaux.
Heinz Berggruen était fasciné par l’œuvre de Paul Klee. Il ne rencontrera jamais le maître du Bauhaus décédé en Suisse en 1940, mais jouera un rôle important dans la reconnaissance de son œuvre. La première œuvre d’art achetée par Heinz Berggruen en 1940 sera un dessin de Paul Klee. Une salle entière lui est consacrée. Ses paysages abstraits sont une fenêtre sur le monde intérieur du peintre. Paysage en bleu est une aquarelle datant de 1917. La palette des couleurs est variée même si le bleu domine. Les maisons du village paraissent serrées, comme repliées les unes contre les autres, il en émane une sensation rassurante. Au dessus des toits le ciel est surprenant comme si l’artiste s’était ouvert à un monde imaginaire presqu’enfantin. Paul Klee, c’est aussi une simplification du dessin qui permet de retrouver l’esprit de l’enfance. Dans Nature morte avec plantes et fenêtre la simplicité des formes met en valeur le jeu des couleurs, dans Palais en passant le dessin est presque sommaire, représentant la déconstruction d’une ville fragmentée entre passé et futur. La simplicité souligne le message.
Laissons la parole à Heinz Berggruen : « Les tableaux que je possède sont tous enregistrés dans ma tête. Je les garde comme on conserve des souvenirs. Mais le seul fait qu’ils soient accrochés dans un espace public signifie pour moi qu’ils respirent. » Nul doute qu’Heinz Berggruen aurait aimé l’exposition à l’Orangerie!
Visuel(c): Pablo Picasso, La lecture
Heinz Berggruen, un marchand et sa collection Picasso-Klee-Matisse-Giacometti
Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, Place de la Concorde, 75001 Paris
2 Octobre 2024-27 Janvier 2025