L’exposition hypnotique « Mouvement et Lumière #2 » à la Fondation Villa Datris

Mouvement et Lumière #2

La Fondation Villa Datris se situe à l’Isle-sur-la-Sorgue. Chaque année, une nouvelle exposition thématique s’installe dans le cadre merveilleux de ces quatre étages de la villa et le jardin.  Ce qui offre au public un agréable moment tinté de soleil et de verdure. Mouvement et Lumière #2 fait écho à une première exposition sur la même thématique présentée dix ans auparavant. Dans ce second volet, on retrouve des œuvres d’artistes historiques – Dan Flavin, Soto, Vasarely,.. – ainsi que des œuvres plus contemporaines ou conçues explicitement pour l’occasion. En tout, ce sont 60 artistes représentés et 83 œuvres exposées : installations, tableaux, sculptures,…

Mouvement et Lumière requiert l’attention du public. Les œuvres jouent sur nos perceptions, sur nos sens pour les tromper et les détourner. Elles s’initient dans ce qu’on croit être réel pour mieux nous duper. Et l’on reste bouché bée face à tant d’inventivité. En effet, l’art cinétique et l’art optique s’imprègnent de la magie de la lumière et livrent des créations qu’il serait possible de contempler indéfiniment.

L’exposition est construite tel un parcours constitué autour de cinq axes majeurs – les « Équilibres naturels », « Les lumière, la ville », « Reflets, éclats », « L’œil moteur » et « Hypnose géométrique » – explorant chacun de manière différentes comment mouvement et lumière peuvent s’unir et se compléter.

Capter le mouvement

Il n’existe pas qu’une seule façon de capter le mouvement. Parce que celui-ci peut-être tangible ou totalement fictif, une pure création de notre cerveau. C’est cette différence fondamentale qui sépare l’art cinétique de l’art optique. D’un côté, certaines œuvres sont, pleinement ou partiellement, en mouvement, d’un autre côtés certaines entrent en mouvement du fait de la faillibilité de l’œil. Ces deux courants artistiques se côtoient au sein de l’exposition et chacun des artistes les exploitent à leur manière.

Capter le mouvement n’est pas chose aisée. Ainsi, un grand nombre des artistes représentés dans l’exposition sont issus de milieux scientifiques. Ou bien, ils ont étudié avec minutie le fonctionnement interne du mouvement, des technologies, de la biochimie. Certains étaient architectes, d’autres mathématiciens ou encore physiciens. Cette connaissance des matières scientifiques leur permet de concevoir des œuvres dument réfléchies, au mécanisme interne complexe. Ainsi Electromagnétique de Takis (1966) – pionnier de l’art cinétique – est « constituée d’une sphère aimantée fixée au dessus d’un électro-aimant » dont le mouvement céleste semble aller à l’encontre de la gravité. Miguel Chevalier livre quant à lui l’œuvre, Flux holographique irisé (2004), basée sur le « phénomène optique d’iridescence, qui se caractérise par la propriété de certaines surfaces de changer de couleur selon l’angle de vue ou d’illumination ».

Des réalisations in situ

Plusieurs créations ont été réalisées pour l’exposition. L’une d’elle se trouve dès l’entrée de la Villa : les Matières métalliques de l’artiste vénézuélien Manuel Mérida est une installation monumentale constituée de cinq cercles de différents diamètres construits dans divers matériaux : aluminium, or, rouille. Ces cercles agissent tels des sabliers, tournant à des rythmes différents. Le temps semble à la fois suspendu et en mouvement et prend un aspect très visuel.

Par la suite, on découvre deux installations fondées sur la lumière et les formes géométriques. Il s’agit de la Sphère Bleue de Julio Le Parc et de la Firefly biosphere d’Olafur Eliasson. Toutes deux prennent l’aspect d’une sphère mais l’une est fragmentée en des centaines de petits rectangles en plexiglas aux mouvements indépendants des uns des autres, et l’autre est constituée de trois volumes géométriques montés tels des poupées russes et éclairés avec des leds. Ces deux œuvres sont immergées dans le noir. Seule leur lumière interne les anime et les oeuvres semblent y être suspendues.

On se perd dans les reflets, hypnotisés

L’exposition propose de jouer sur les reflets pour troubler la perception du spectateur, pour l’amener à voir une réalité à laquelle il n’avait pas accès, pour détourner ce qui nous semblait être la réalité. Que reste-t-il une fois que nos certitudes sont ébranlées ? Les artistes nous tirent vers des univers parallèles.  Avec 360° Illusion IV constituée de deux miroirs assemblés perpendiculairement et pivotants à 360°, Jeppe Hein fait de sa relation au public son moteur. Ainsi, le spectateur s’y perd, ne comprenant plus quel est l’envers et l’endroit et où se situe géographiquement dans la pièce ce qui est reflété.

Ces reflets peuvent être multipliés à l’infini, créant des espaces touchant au fantastique, à l’impossible. C’est ce que propose d’explorer l’artiste chilien Ivàn Navarro en créant des œuvres jouant sur l’infiniment grand. Il nous perd dans la multiplicité, réfléchissant une réalité colorée qui cache une vérité bien plus sombre et terrifiante. Surge Drops (2022) est une peinture hypnotique, une voie lactée de laquelle se détache le mot surge (surtension électrique en français), un mot qui résonne et qu’on ne peut ignorer.

Mouvement et Lumière #2 est une exposition où l’on prend le temps de regarder le mouvement, où l’équilibre induit par la lumière prend une tournure apaisante. On se surprend à rester contempler une œuvre, on est hypnotisé.