Après les espaces liminaires de Szeto Lap, ce sont les paysages étrangement inquiétant que l’espace Culturel ICICLE nous invite à découvrir les paysages sobres de He Xi, avenue Georges V. Une expérience métaphysique alliée à la minutie de l’encre sur soie et qui prend effet, jusqu’au 14 novembre, sous le titre « À l’heure où blanchit la campagne.»
Alors que l’on célèbre 60 ans de relations diplomatiques franco-chinoises, les espaces culturels de la marque de vêtements ICICLE (née en 1997 à Shanghai et proposant des lignes fluides et des matières nobles selon l’esprit du Tao, exposent cette année 2024) présentent 4 artistes chinois ou ayant vécu longuement en Chine. Et 4 artistes français à Shanghai. Les huit artistes seront réunis sur le stand d’ICICLE à la foire de Shanghai du 23 au 26 novembre. Parmi eux et elles : He Xi, né en 1960 à Pékin, vivant à Shanghai, diplômé de la prestigieuse Académie des Beaux-Arts de Chine où il a reçu une formation classique ; il est lui-même professeur à l’Académie des Beaux-Arts et à l’Institut des Arts visuels de Shanghai et a notamment eu pour élève Ye Shouzeng. Travaillant l’encre sur soie, il propose avec le commissariat de Myriam Kryger dans l’espace délicat imaginé par l’architecte Bernard Dubois un travail à la fois délicat, réflexif et pétri d’angoisse.
Alors que l’espace de la galerie parvient à nous faire vivre à la fois la rondeur et les angles, sur les murs d’un blanc immaculé, c’est un vers célèbre de Victor Hugo qui nous invite à découvrir un ensemble de travaux récents de He Xi : « À l’heure où blanchit la campagne » est une sorte de traduction qui enjambe des siècles d’un vers au moins aussi célèbre en Chine « Et l’Est déjà se teintait de blanc». Ce vers date de la dynastie Song (960- 1279) et son auteur Su Dongpo. Mais dans cette série, il n’est pas sur que demain et l’aube puissent réellement chanter ou enchanter. Dans des œuvres à la fois fragiles et immuables, He Xi partage ses angoisses face au monde au n’en finit pas de se coucher. Il n’y a pas d’humain dans ses grands paysages symboliques : la vague, le lapin et le chat semblent prisonniers et au gué. Quant aux sentiers de cette nature en encre sur soie, ils ne parviennent pas à nous mener « nulle part ». Ils sont verticaux, menaçants et barrés par des panneaux qui explicitent leur danger. Cette atmosphère alarmiste, mais sans bruit, se prolonge avec des œuvres plus petites à vendre du côté de la librairie où la chaleur du bois nous revigore un peu et nous éloigne des mises en garde de He Xi pour nous mener vers plusieurs propositions d’art de vivre à la chinoise. On ressort de l’espace culturel ICICLE par les escaliers afin de faire une halte aux étages femmes et hommes qui convergent parfaitement. Et l’on se dit qu’un imperméable aussi bleu marine et aussi fluide pour affronter la pluviôse et l’irritation permanente de notre monde menaçant semble un bien agréable bouclier.
Ce que tu vois au loin (4), 2022, Encre sur soie, 90x180cm © He Xi