Le caractère éphémère et fragile des plantes entre en résonance avec le rythme saisonnier de la haute-couture. La conservation des robes est également à l’image d’une tentative de préserver la beauté d’un bouquet de fleurs. La mode se renouvelle constamment tout comme les floraisons au jardin. En parcourant cette exposition, les fleurs délicates présentes sur les robes du grand couturier nous rappellent combien les fleurs suscitent des moments de contemplation.
Avec son partenaire Pierre Bergé, Yves Saint-Laurent vivait entouré de fleurs et de jardins, où il trouvait une source considérable d’inspiration. Il partageait son intérêt pour la flore avec l’écrivain Marcel Proust. D’où le parti pris curatorial d’associer dessins, créations textiles et citations de l’auteur. Les robes d’Yves Saint-Laurent se portent tels des jardins où la flore colorée est en majesté et révèle son éclat, autant que son caractère éphémère. Celles-ci sont ornées de broderie, d’organdi de soie, à l’image de fleurs délicates.
Auprès de Christian Dior, où le styliste a fait ses premiers pas, le couturier a gardé en mémoire la jupe large en corolles, qui transforme les femmes en fleurs. Sa première collection Trapèze, réalisée en 1958, honore cet apprentissage : des chapeaux sont ornés de brins de muguet porte-bonheur de Dior. Cette fleur agrémente également une blouse en organdi.
Yves Saint-Laurent vouait une passion à la fois pour le monde végétal et pour l’art en général. Ses robes rendent hommage à ses peintres préférés. Une a été dessinée en écho aux papiers découpés d’Henri Matisse, composée d’empiècements en patchwork et en broderies. La robe Pierre Bonnard en organza de satin de soie attire notre regard par son imprimé végétal abstrait. Celle dessinée en l’honneur de Marcel Proust présente des fleurs d’œillets aurore et orange.
Pour offrir un cadre somptueux à ses défilés, le couturier métamorphose les salons haute-couture en jardins. La robe de mariée portée par Laetitia Casta a marqué l’histoire de la maison Yves Saint-Laurent.
Sont aussi exposés ses bijoux fleur, qui complètent harmonieusement les tenues fleuries. Chacune des créations d’Yves Saint-Laurent nous émerveille, à l’image de somptueux jardins, par leur association de couleurs et de textures.
Un contrepoint contemporain avec les œuvres de Sam Falls
L’artiste américain Sam Falls travaille dans son jardin, souvent tard dans la nuit afin de bénéficier de l’humidité de l’air qui favorise la fixation des pigments. Son support réagit à l’influence du soleil et de la pluie. Au début du parcours, nous découvrons son œuvre Exhaustion, réalisée à partir des fleurs de son jardin dans la vallée de l’Hudson. Les plantes sont pour l’artiste symboles de vie et d’éternité. Un dialogue fécond s’établit entre les couleurs des toiles de l’artiste et celles présentes sur les pièces de haute-couture. L’œuvre Serpentine, Lakeshore, Overnight, créée à partir de fleurs cueillies dans la campagne et les jardins du sud de la France dialogue à la fois avec douze robes d’Yves Saint Laurent et les jardins chers au peintre Bonnard.
Ainsi, cette exposition donne à voir combien les plantes sont des sujets d’inspiration qui traversent les arts plastiques et le domaine du prêt à porter.
Pauline Lisowski
Les fleurs d’Yves Saint-Laurent
20.09.24 – 04.05.25
Musée Yves Saint-Laurent, Paris
Visuel : ©Musée Yves Saint-Laurent, Paris