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06.09.2024 → 05.01.2025

Les chefs-d’œuvre de la Galerie Borghèse sont à Paris

par Jean-Marie Chamouard
08.09.2024

Le musée Jacquemart-André, pour sa réouverture, expose quarante cinq œuvres majeures en provenance de la Galerie Borghèse à Rome ; essentiellement des peintures italiennes des 16 et 17e siècles.

Une exceptionnelle collection

Avec sa façade lumineuse, ses tourelles, son faste, son écrin de verdure et ses riches collections, la Villa Borghèse fait rêver. Le musée Jacquemart-André a réussi à faire venir à Paris 45 œuvres de la Galerie Borghèse, des œuvres qui souvent, n’avaient jamais quitté l’Italie. Une exposition prestigieuse pour la réouverture du musée après un an de travaux.

La Villa Borghèse a été construite entre 1606 et 1616 par le cardinal Scipion Borghèse , neveu du Pape Paul V, afin d’y abriter ses collections d’œuvres d’art. Des collections qui seront transmises de génération en génération sans dispersion, faisant au cours des siècles, de cette galerie un lieu d’expérimentation artistique, un musée avant l’heure. Elle est la propriété de l’état italien depuis 1902.

C’est un étonnant personnage que Scipion Borghèse (1577-1633). Très riche, très politique,très puissant, il deviendra l’un des grands mécènes de l’époque moderne. Ces œuvres seront acquises par tous les moyens, y compris le vol ou l’emprisonnement. Mais sa liberté d’esprit, son goût artistique, ses intuitions vont donner à sa collection un caractère éclectique et innovant.
Il y associera des œuvres de l’antiquité, de la renaissance et de l’époque baroque. Il prendra sous sa protection les artistes novateurs comme le Caravage et surtout le jeune Bernin. Dans le vestibule de l’exposition, le visiteur pourra admirer trois sculptures du Bernin, dont le buste en bronze de Grégoire XV. L’exposition montre la démarche d’un grand collectionneur, un personnage qui fait sens dans ce musée crée en 1912 grâce à deux autres grands collectionneurs et amoureux de la peinture italienne, Nelly Jacquemart et Édouard André.

L’idéal de beauté de la renaissance italienne

Au début du 17e siècle, les peintures de la renaissance florentine et vénitienne étaient très appréciées à Rome, en particulier pour la beauté des couleurs. Le visiteur pourra admirer des œuvres très célèbres. C’est le cas de La Dame à la Licorne : en 1506 Raphaël vient d’arriver à Florence et de rencontrer Léonard de Vinci, la ressemblance de son tableau avec la Joconde est frappante. Le visiteur sera séduit par la luminosité , la beauté de la robe, la douceur du visage. Autre célébrité La Vierge à l’Enfant avec Saint Jean Baptiste et six anges de Sandro Botticelli. C’est un grand « tondo », une grande peinture ronde sur bois. Quelle beauté ! Les couleurs sont éclatantes en particulier les roses et les bleus. Les décorations florales, les coiffures, la finesse des visages donnent au tableau une dimension poétique, idyllique. Toujours dans la peinture religieuse, une œuvre moins connue, mais remarquable est l’Adoration des bergers du Vénitien Jacopo Bassano. Par sa composition le tableau est très moderne. La Vierge et l’enfant restent au centre, mais les animaux sont tous proches, pressants, la situation de l’Enfant Jésus paraît précaire. La scène est très champêtre, la nature y exprimant un certain désordre.

La passion du baroque

L’arrivée du baroque est une révolution artistique. Il se développe à Rome dans le contexte de la contre-réforme. Les églises se multiplient construites dans un style grandiose. En peinture, le baroque pourrait débuter avec Le Caravage, mais aussi avec Rubens qui est venu à Rome en 1606-1607. Le baroque tranche avec la recherche de la beauté pure et l’idéalisme de la représentation qui caractérisent la Renaissance. Scipion Borghèse va encourager ce mouvement. À l’époque baroque, l’artiste va s’attacher à représenter les émotions, les passions, les souffrances, le corps humain dans sa réalité. Le contraste entre ses deux périodes est bien mis en valeur par l’exposition.

Le jeune garçon portant une corbeille de fruits est l’un des tableaux emblématiques de l’exposition. Cette œuvre de jeunesse du Caravage n’avait jamais quitté la villa Borghèse. Le Caravage y invente la nature morte. La nature se suffit à elle même y compris dans ses imperfections comme le discret piqué des fruits ou les légères flétrissures des feuilles. Le réalisme plutôt que l’idéalisation. Dans Loth et ses filles de Giovanni Francisco Guerrieri, le très beau clair-obscur rappelle les œuvres religieuses du Caravage. La tendre attention apportée par les deux filles à leur père est très émouvante. Le visiteur sera frappé par la beauté de Sybille, le tableau du Dominiquin. Cette peinture mythologique est très séduisante grâce à la beauté du drapé, au regard pénétrant de Sybille, à la lumière qui émane de son visage. Avec la représentation d’une harpe et d’une partition, le Dominiquin rend hommage à la musique qu’aimait aussi le cardinal.

L’éclectisme de Scipion Borghèse rend l’exposition très diversifiée. La curiosité du cardinal portait aussi sur les nus féminins. La dernière salle « Amour et Éros » rappelle la salle des Vénus à la galerie Borghèse. La Fornarina de Raphaël dégage une grande sensualité. L’exposition se termine par Venus bandant les yeux de l’amour peint par Le Titien en 1565. Deux petits amours et deux femmes dénudées entourent Vénus. La beauté des nus féminins, les couleurs chatoyantes ont probablement séduit le Cardinal qui a acquis ce tableau dès 1608 au début de sa collection.

Comme le dit le commissaire Pierre Curie, tant de chefs-d’œuvre sont réunis dans cet espace restreint ! En cela cette exposition, dans «le plus italien des musées parisiens» est exceptionnelle.

Visuels : © affiche de l’exposition, © JMC