Le souffle créateur de Zao Wou-Ki

Zao Wou-Ki est né à Pékin en 1920 dans une famille aisée, une famille de lettrés. Il baigne dans la poésie, la cosmologie chinoise et sera un traducteur de Lao Tseu. Fasciné par la culture française et par Claude Monet en particulier, il arrive en France en 1948. Son œuvre va s’épanouir au croisement des cultures chinoise et française. Sa peinture d’abord figurative va devenir abstraite et l’exposition, dans un souci d’unité, est consacrée aux œuvres tardives, abstraites de l’artiste.
Elle a néanmoins toute sa place dans le Festival Normandie Impressionniste. Zao Wou-ki a été très influencé, après son arrivée en France, par les impressionnistes. Comme eux, il s’inspire de la nature mais la transforme, la transcende dans sa création. Et au centre de l’exposition figure le triptyque Hommage à Claude Monet peint en 1991.

«La couleur pour moi c’est la lumière»

Assurément Zao Wou-Ki est un grand coloriste. Le rouge, le bleu, le rose , le vert, une couleur éclaire chaque salle. La couleur rouge éclate dans l’Hommage à Françoise, sa troisième veuve. Le rouge est la couleur du bonheur en Chine. Parfaitement mis en valeur par sa place dans l’exposition, son dégradé de rouge est magnifique, séduisant. Le vert domine dans cette huile sur toile sans titre (2008) un vert qui s’allie au parme dans un tableau d’une grande douceur. Une œuvre très fluide, aquatique, évoquant des herbes flottant au gré de l’eau. Le rose et le vert se fondent dans le diptyque Il ne fait jamais nuit. Un miracle inspiré par la nature, un pur chef d’œuvre. Dans l’Hommage à Claude Monet, l’artiste nous révèle sa vision des Nymphéas. Le sombre et le clair s’y opposent dans un grand travail chromatique. Un travail très précis, presque pointilliste, malgré la grande taille du tableau. Le gigantisme s’impose dans la commande de Roger Taillibert pour le lycée de La-Seyne-Sur-Mer. Neuf panneaux d’aquarelles dans lesquels l’artiste déploie tout son souffle créateur. Une œuvre très spectaculaire qui n’avait jamais été exposée en totalité.
Zao Wou-Ki a exploré de nombreuses techniques, utilisant des matériaux très divers. L’exposition nous révèle cette partie moins connue de son œuvre Le visiteur pourra admirer des lithographies, des Encres de Chine sur papier. Les vases de porcelaine sont d’une grande beauté. Dans Abricotier sous la neige, la subtilité des lignes noires sur fond blanc est un hommage au poète chinois Tou Fou. Le vase Souvenir du palais rouge séduit par son rouge d’une beauté saisissante. Le visiteur remarquera aussi une tapisserie et des stèles souvent horizontales. Les stèles ont joué un rôle majeur dans la culture chinoise traditionnelle. Celles réalisées par Zao Wou-Ki sont remarquables par la pureté du dessin et la beauté des couleurs.

Les allées d’un autre monde

L’exposition peut être vue comme l’amorce d’un chemin vers la cosmologie et la poésie chinoise. Dès le premier tableau, une huile sur toile de 2001, un bleu nuit sombre surplombe un jaune éclatant. Une représentation lumineuse du Yin et du Yang. La vision du Yin et du Yang s’impose dans les Encres de Chine, l’harmonie du blanc du papier s’opposant au noir chaotique de l’encre. L’œuvre de Zao Wou-Ki est traversée par les concepts du dense s’opposant au vide, du clair au sombre. Le vide permet le souffle qui confère une grande fluidité aux tableaux, le mouvement y est palpable.
«Je ressens ces deux expressions, peinture et poésie comme étant de même nature». Zao Wou-Ki a illustré les poèmes en particulier d’Henri Michaud , de René Char, d’Ezra Pound.

Les Franciscaines, une maison de la culture du 21ème siècle

Les Franciscaines forment un très bel écrin à l’œuvre de Zao Wou-ki. Les cloisons blanches de l’exposition sont surmontées par les hauts murs ocres du couvent. Le jardin intérieur du cloître est couvert par un lustre monumental, formé de 14OOO tubes. Il est posé comme un nuage reflétant la lumière.
Les bâtiments datent de 1870. Il s’agissait d’un orphelinat puis à partir de 1880 d’un couvent. La Mairie a acquis les bâtiments et le projet a débuté en 2011, les travaux en 2018, pour une ouverture en Mai 2021. Les Franciscaines ont pour mission d’incarner la culture à Deauville. C’est à la fois un musée, une médiathèque, un lieu de vie. Les livres sont partout. Il existe des alcôves pour travailler, lire, regarder un film. Un espace est prévu pour la restauration. Des spectacles se déroulent dans le jardin intérieur.
«Les Allées d’un Autre Monde» est une très belle exposition à la fois par les œuvres présentées et par le lieu choisi, les Franciscaines, endroit remarquable par son concept et par son architecture.
Mais laissons la parole à Zao Wou-Ki : «Peindre peindre toujours peindre encore peindre le mieux possible, le vide et le plein, le léger et le dense, le vivant et le souffle».