Expositions

Le Musée Yves Saint-Laurent invite Claudia Wieser à mettre les formes à l’honneur : et « c’est carré » !

par Cloé Assire
03.12.2023

Jusqu’au 14 janvier 2024, le Musée Yves Saint-Laurent Paris présente “Yves Saint-Laurent – Formes”, une exposition d’une modernité saisissante à ne pas louper si vous êtes dans la capitale. Pensée comme un duo-show avec l’artiste Claudia Wieser, le résultat est d’une incroyable justesse, tant dans le fond que dans la forme.

Le Musée YSL pensé comme un tremplin de création

Si Yves Saint-Laurent présentait en 1965 la robe Mondrian alors que cet artiste suprématiste n’avait encore jamais été exposé dans la capitale française, il apparaît alors logique que le Musée Yves Saint-Laurent cherche aujourd’hui à être davantage un musée des beaux-arts qu’un musée de mode en invitant des artistes à dialoguer avec l’œuvre du célèbre couturier. Et ce sont donc les spécificités formelles de Claudia Wieser qui ont été choisies pour échanger avec celles de Saint-Laurent. Mais plus que de juxtaposer des créations, l’artiste berlinoise a été chargée de l’ensemble du décor de l’exposition. Celle-ci devient ainsi une expérience totale à vivre pour le visiteur. Nous ne pouvons que saluer ce choix judicieux, à l’initiative d’Elsa Janssen, directrice et commissaire générale du musée.

L’exposition thématique “Formes” est scindée en quatre chapitres : Formes Pures, Formes et Couleurs, Noir et Blanc, et pour finir Formes Géométriques. Concise, cette présentation donne à voir une facette plus minimale et radicale des quarante années de création d’Yves Saint-Laurent, nous révélant ainsi un fil conducteur suivi tout au long de sa carrière.

Formes pures

Dès la première salle, il ne fait aucun doute du sens pointu de Claudia Wieser pour l’espace comme les couleurs. Ce sont ses carreaux de céramique qui nous accueillent, les aplats de couleurs font échos aux silhouettes monochromes, les lignes brisées s’harmonisent avec les courbes, la dynamique visuelle est forte. Deux ensembles de chapeaux se font face : d’un côté des chapeaux noirs de différentes formes sur fond blanc, de l’autre des couvre-chefs blancs sur un aplat noir. Ainsi, toutes les formes pures individuelles de la salle prennent forme ensemble.

Et évidemment, chaque création contemplée séparément est un régal pour les yeux. Une combinaison en jersey de laine rose de 1984 et une seconde en gabardine de laine beige datant de 1975 témoignent de la verticalité des silhouettes dessinées par Saint-Laurent. Tout est question de lignes pour atteindre la pureté de la construction, ici en empruntant des vêtements au monde du travail pour les adapter au vestiaire féminin. Des “formes permanentes”, utilisées dans l’aviation notamment, qui deviennent ici des ensembles sublimant le corps.

Formes et couleurs

Puis vient le choc de la juxtaposition de couleurs vives avec six mannequins sur une estrade dialoguant avec des sculptures de Claudia Wieser. Ce sont cette fois les empiècements cyan, fushia, vert, ou jaune canari qui sont à l’origine de la composition de formes saturées. Rigueur de la coupe et fantaisie chromatique mettent en avant l’avant-gardisme de Saint-Laurent ainsi que son attrait pour l’art abstrait. C’est un réel bonheur que de se délecter du talent de coloriste du couturier.

Noir et Blanc

Indéniablement la salle la plus extraordinaire est celle dédiée au noir et blanc. La profusion de silhouettes graphiques répond aux œuvres contrastées de Claudia Wieser. Les lignes sont nettes, les formes distinctes, les coupes impeccables. Une compilation de dessins vient d’ailleurs appuyer les tracés de Saint-Laurent. On y retrouve le geste créateur, le noir sur blanc pour définir la forme et l’esquisse avant la toile en trois dimensions. Les rayures côtoient des jeux de matières, de symétrie, et il semblerait que cette thématique a été pour le couturier, comme elle l’est pour l’artiste berlinoise, un fabuleux terrain de jeux. Dans le studio de la maison de couture trône la veste Mondrian.

Formes géométriques

Cette dernière partie s’ouvre sur une pièce sensationnelle de la collection automne-hiver Yves Saint-Laurent Rive Gauche 1988, symbolisant le syncrétisme de l’ensemble des sujets traités dans cette exposition : la ligne, la forme et la couleur y sont tout à la fois à l’honneur. Le clou du spectacle donc avec cette série de tailleurs ressemblant à des vitraux.

Elsa Janssen aura donc réussi son pari en délectant son public de superbes silhouettes d’Yves Saint-Laurent toutes droites sorties des livres d’histoire de la mode tout en faisant découvrir à son audience le talent de Claudia Wieser !