Le musée Fabre de Montpellier propose, jusqu’au 04 janvier 2026, l’exposition « Pierre Soulages : la rencontre ». Une exposition exceptionnelle qui permet au visiteur de se plonger dans le parcours créatif de cet artiste majeur des 20e et 21e siècles.
« Plus que tout autre ce musée a compté pour moi ». Pierre Soulages ( 1919-2022) a découvert le musée Fabre en 1941 lors de ses études à l’École des Beaux arts, alors intégrée au musée. C’est là qu’il rencontre Colette, sa compagne de toute une vie qui deviendra « sa meilleure agent ». Dès 1945, une longue carrière va débuter, ces dernières œuvres sont celles d’un centenaire ! Il nous quittera à 102 ans, au lendemain de ses noces de chêne fêtant ses 80 ans de mariage ! Il va d’emblée choisir l’abstraction, peut être par volonté de rupture, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et va connaître le succès et la reconnaissance internationale dès les années 50. Pierre Soulages c’est aussi l’enfant du pays, il possédait une maison, non loin d’ici, à Sète. Une autre rencontre, décisive, remonte à 2005, lorsque les époux Soulages ont fait la donation de 34 toiles au musée. La dernière, très émouvante est toute récente, en 2025, lorsque Colette Soulages, 104 ans, a apporté pour l’exposition les deux ultimes Outrenoirs de son époux. Ils sont accrochés dans la salle d’introduction.
Nous sommes dans une vaste exposition qui présente 120 œuvres. Dans le hall, une fresque informe le visiteur sur la biographie du peintre. Le musée propose un parcours plus thématique que chronologique, en six salles. Elles sont grandes et lumineuses mettant en valeur les œuvres souvent gigantesques de Soulages. Les murs blancs adoucissent le sombre des tableaux mais dans chaque salle, il existe un mur noir central choisi pour l’accroche d’un Outrenoir. Les commissaires montrent des « correspondances ». Elles permettent de connaître les grands artistes ayant inspiré ce quasi autodidacte. Le visiteur pourra ainsi admirer Le Christ à Emmaüs de Rembrandt, un modèle de clair obscur pour Soulages. Il était subjugué par la peinture de Courbet pour sa modernité et le visiteur découvrira L’auto portrait dit au col rayé. L’Arbre gris de Piet Mondrian va inspirer ses formes abstraites. Dans des alcôves, le visiteur pourra découvrir les œuvres des amis et artistes qui ont compté pour Pierre Soulages comme Sonia Delaunay qui l’a initié à l’abstraction et le peintre chinois Zao Wou-Ki avec lequel il a réalisé un long voyage au Japon.
Pierre Soulages aura été peintre, graveur mais aussi artisan, ingénieur, chercheur ! D’une grande curiosité intellectuelle il s’intéressait à la poésie et à la philosophie et pratiquait… le rugby ! L’exposition par son parcours thématique nous familiarise avec le long travail de l’artiste. Nous pourrions recommander la visite guidée de qualité que propose le musée, pour mieux comprendre la démarche artistique de Pierre Soulages.
Jeune, il avait été impressionné par l’art préhistorique. Dans la première salle un Outrenoir et la Statue menhir de la Verrière sont côte à côte. La couleur claire de la pierre contraste avec le noir de la toile, l’art contemporain parait en harmonie avec le monde des origines. Pierre Soulages a beaucoup fréquenté les ateliers d’artisans à Rodez. Il va, au sens propre, travailler la matière utilisant des matériaux souvent bruts : peinture industrielle, racloirs, brosses ou insolites : goudron ou brou de noix. Dans les années cinquante son abstraction était « géométrique ». Le visiteur découvre de grandes toiles avec des formes évocatrices de charpentes d’habitations. Le fond est sombre, la peinture souvent épaisse, mais le noir se marie encore ! au bleu, au rouge, au marron.
Pierre Soulages s’est intéressé à la calligraphie chinoise qui s’apparente pour lui à « une écriture silencieuse ». Elle lui a inspiré de grandes toiles en noir et blanc ou des plus petites au brou de noix. Et puis il y a les emblématiques Outrenoirs, ils sont partout dans l’exposition. Le visiteur pourra voir sa première toile entièrement noire, datant de 1979. C’est un tournant décisif pour l’artiste. Ce dépouillement va stimuler un travail sur la lumière, sur ses infinis reflets. Il étudie aussi le contraste avec les blancs et la transparence, en particulier pour la réalisation des vitraux de l’abbatiale Sainte Foy de Conques. L’exposition montre les essais et études que Pierre Soulages a réalisé avec des maîtres verriers. Il était presque ingénieur. Le peintre a pensé ses toiles en symbiose avec leur environnement, l’espace, la lumière. Cette dimension est abordée dans la dernière salle avec de gigantesques Outrenoirs et un accrochage par câblage qui permet de multiplier les points de vue.
L’ abstraction de Pierre Soulages est radicale. Il ne donne pas de titres à ses œuvres pour ne pas imposer son regard. Ce noir qui reflète si bien la lumière pourrait aussi être le vide. Face à ce noir , face à ce vide, le visiteur se trouve confronté à lui même, il doit préciser son ressenti, imaginer un sens, une signification qui lui sont propres. Cette exposition très bien construite est un hommage à la puissance créative de l’abstraction.
Visuel : Pierre Soulages 300×235, 9 juillet 2000 © Musée Soulages, Rodez/ Photo Thierry Estadieu © Adagp Paris 2025
Pierre Soulages, La rencontre, jusqu’au 04 01 2026, Musée Fabre 39 Bld Bonne Nouvelle 34000 Montpellier