Dans cette exposition évolutive au fil des ans, Jessy Deshais propose, dans l’espace ramassé de la galerie ICI, une vaste réflexion sur la temporalité. Passé, présent et futur… Fuir la fin en regardant dans le rétroviseur. Ici et maintenant
En cette période de Festival de Cannes, il était impossible de passer à côté de cette exposition qui, par le truchement d’un siècle de filmographie dystopique, interroge notre peur de voir arriver la fin. Une réflexion (dans tous les sens du terme) sur la fuite du temps ingénieusement mise en scène et talentueusement illustrée.
Jessy Deshais est une artiste discrète dont la minutie n’a d’égale que la richesse de ses références cinématographiques. Alors qu’on la connaissait pour son travail de découpe de livres qui proposait une réflexion sur la disparition, on la redécouvre aujourd’hui dans un retour à ses premières amours : le dessin et le crayon, ou devrait-on plutôt dire les crayons. En effet, ceux utilisés pour la réalisation de cette impressionnante fresque sont encadrés et cités comme dans un générique de fin.
Et c’est en effet de fin dont il est question. Celle des films. Une obsession qui lui est venue alors qu’il ne lui semblait ne plus entendre que ce mot à la radio. Pour exorciser cette peur permanente, l’artiste a décidé de chercher l’ultime image de films dystopiques. Que ce soit le mot « fin » dans différentes langues ou une scène figée, telle une gravure dans l’inconscient des spectateur·trice·s, ces images sonnent le glas de l’objet cinématographique.
Cette collection de mots et d’images, Jessy Deshais l’a reproduite en cartes de 10x15cm. Mais une reproduction à l’identique aurait été trop simple ! L’artiste a choisi, non pas par facétie, mais pour servir sa réflexion, d’en dessiner les images renversées, c’est-à-dire celles que l’on pourrait observer dans un miroir plan. Ainsi, pour voir les images dans le « bon sens », il faut les regarder dans un miroir : l’image originale devient alors une image dite « virtuelle ».
C’est alors que la mise en scène, dans cette galerie de poche, prend toute son envergure. Deux véhicules immobilisés permettent de découvrir toutes ces images. Les textes deviennent lisibles, les souvenirs reprennent leur forme originelle. Et alors qu’on les regarde dans des rétroviseurs, celles-ci ne bougent pas. Fixés au sol ou au mur, les véhicules ne permettent pas de s’éloigner de la fin ni de se faire rattraper par celle-ci de manière inéluctable. Cette peur viscérale de la fin serait-elle virtuelle ou une dystopie au présent. Devant cette interrogation, cette installation permet de faire une pause, un arrêt sur image.
Du Chien andalou, à Parasite en passant pas M le Maudit ou encore Mélancolia, ce voyage cinématographique immobile peut prendre la saveur de madeleines de Proust pour cinéphile aguerri·e, et pour tout un chacun un enchantement devant tant de virtuosité. Une recherche du temps perdu visuelle et accessible à toutes et tous.
Exposition Le Mur dystopie de Jessy Deshais
Galerie ICI 19, rue des Filles du Calvaire 75003 Paris
Du jeudi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous le mardi et mercredi
Jusqu’au 31 mai 2025
Contact : Jean-Pierre Morand – galerieici@gmail.com