Se tient jusqu’au 1er juillet 2024 au Musée de l’Orangerie une exposition du peintre américain Robert Ryman (1930-2019) intitulée Le Regard en acte, la première en France de cette ampleur depuis celle que lui consacra Alfred Pacquement en 1981 au Musée national d’art moderne.
Faire plus, après Malevitch, a priori, aucun problème. Tous ceux pensant pouvoir en faire autant – sinon mieux -, se fourr(ai)ent le pinceau dans l’œil. À commencer – ou à finir? – par le régional de l’étape, l’Aveyronnais Pierre Soulages, qui ne sut s’empêcher d’ajouter sa pâte, sa patte perso et, le cas échéant, ce qu’il faut de pathos, d’expressionnisme, défigurant le non figuratif, outrageant le noir en le désaturant, le brunissant, déformant le carré en en (re)faisant un paysage.
Les commissaires de l’expo, Claire Bernardi, directrice de l’Orangerie et Guillaume Fabius, attaché de conservation au musée, partant du principe que Ryman s’est concentré sur « les spécificités propres à son médium (…) les notions de surface, de limite de l’œuvre, d’espace dans lequel elle s’intègre, de lumière avec laquelle elle joue », ont conçu un parcours thématique avec de tels concepts, rompant quasiment avec la chronologie.
Après une amorce pâteuse – un peu pataude – avec quelques œuvres de la fin des années cinquante et, comme il se devait alors, des supports en toile de lin recouverts de couches d’huile (cf. Untitled, 1959) et, déjà, de fines compositions à la caséine et au graphite sur papier, un grand format attire notre attention, sous-titré Background music et daté de 1962, digne de Matisse pour sa légèreté et ses tonalités et de Mondrian pour la répétition de motif et la métaphore jazzistique -n’oublions pas que Ryman hésita en début de carrière entre la musique et la peinture. Par petites touches, d’infimes altérations de la toile brute, sans psychologie, Ryman fait moins, fait délicat, fait vif. Fait acte pictural.
Très vite, on passe à la période du blanc. Et à celle du blanc à peine dénaturé par un zeste de bleu, des point(e)s ou des lignes d’autres couleurs. Ryman utilise le blanc, nous dit-on, pour sa « neutralité et ses possibilités infinies de variations ». Le blanc des murs du musée est à peine altéré par l’accrochage d’œuvres comme Lisson (1972), une laque sur toile, Untitled (1965), une peinture à l’émail sur carton bristol où neuf blocs de texte semblent avoir été estompés ou biffés par des passages de correcteur grisâtre, General 54 1/2″ x 54 1/2″ (1970), un carré blanc encadré de gris, Adelphi (1967), huile sur toile non tendue, Journal (1988), une acrylique sur deux panneaux reliés horizontalement par une charnière, National #1 (1976), un mixte d’huile et acrylique fixé à la paroi par d’ostensibles attaches métalliques.
Visuel : Background music, 1962, The Greenwich Collection, NY, ph. Bill Jacobson © Robert Ryman/ADAGP 2024