Dans le cadre du Festival Normandie Impressionniste, le MUMA (le musée d’art moderne André Malraux du Havre) accueille du 25-O5 au 22-09 2024 l’exposition Photographie en Normandie, 1840-1890. Elle présente l’essor de la photographie en Normandie à partir de 1840 et nous fait redécouvrir plusieurs tableaux des maîtres impressionnistes.
Inauguré par André Malraux en 1961, le MUMA a fière allure face à l’avant-port du Havre et à sa jetée nord, là où, dès 1841, les pionniers de la photographie s’étaient installés dans des maisonnettes en bois appelées les chalets. Le festival Normandie impressionniste voulait rendre hommage à l’inventivité et à l’esprit d’innovation des premiers photographes. Pour cela, le MUMA était le lieu idéal.
Un an après l’invention de la photographie, Hippolyte Fizeau, 20 ans, arrive au Havre. Ce futur grand physicien réalise les premiers daguerréotypes, des photographies sans négatif sur une surface d’argent pur. Les premiers daguerréotypes sont des images du port et de la plage du Havre. Elles sont exposées au fond d’une boite, apparaissant comme des trésors à demi révélés. Puis viennent les tirages sur papier. Le visiteur pourra admirer la marine de Gustave Le Gray, Le brick au clair de lune, « un miracle de beauté ». Gustave le Gray réussit un clair obscur superbe. Il invente « la nuit américaine », le photographe réussit à donner une impression de paysage nocturne à partir d’une prise de vue diurne. Dans une autre image iconique de Gustave le Gray, Musée et ville du Havre, la perfection de sa composition est digne d’un maître de la peinture. Nous sommes en 1856, la photographie est devenue un art à part entière.
Les progrès techniques vont être nombreux entre 1840 et 1860. Il concerne la fixation et la réduction du temps de pause qui va permettre des portraits moins rigides, moins artificiels. Parmi les nombreux portraits exposés, on remarquera celui de Stéphanie Breton la première femme photographe normande reconnue. Les photographes vont pouvoir saisir le mouvement, celui de la mer en particulier. Dans La vague devant la jetée du port du Havre, Angelo Caccia nous transmet la puissance de la vague, son énergie, sa beauté sauvage, comme si nous étions sur la plage.
À la fin du siècle, la photographie va se démocratiser grâce à la commercialisation des plaques et des clubs de photographes amateurs vont voir le jour. L’exposition se termine d’ailleurs par les œuvres d’un club havrais. La photographie est rentrée dans la vie quotidienne.
L’exposition est aussi un voyage à travers la Normandie du milieu de 19ᵉ siècle. Le visiteur découvrira les paysages, les monuments, les ports normands que les impressionnistes peindront quelques années plus tard. Claude Monet a passé une partie de son enfance dans la ville du Havre. Impression soleil levant représente le port du Havre. Le MUMA se devait de nous montrer également des tableaux impressionnistes. Nous pourrions commencer ce voyage par Le train à la campagne de Claude Monet, ce train qui a permis aux impressionnistes de se rendre en Normandie. Le panache de fumée du train, symbole de la modernité surplombe une prairie qui paraît paisible et immuable.
Les tableaux sont mis en relation avec les photographies correspondantes. Celles de la cathédrale de Rouen prises par John Ruskin encadrent le célèbre tableau de Claude Monet: La Cathédrale de Rouen, le portail vu de face. De même le visiteur pourra comparer les photographies des falaises d’Étretat par Henri Le Secq avec le tableau d’Eugène Boudin, La Falaise d’Amont. De cette œuvre ressort une sensation de fragilité de la nature, de tristesse aussi : à marée basse, les bateaux semblent presque abandonnés sur la plage. La ressemblance est frappante concernant le port de Rouen entre les photographies des frères Bisson et la peinture de Camille Pissaro.
Mais l’exposition nous montre aussi les villas balnéaires récemment construites, les maisons à colombages typiques des longères paysannes normandes. Les photographies des scènes de la vie quotidienne nous transportent 150 ans en arrière. Outre leur valeur historique, elles sont authentiques, saisissant avec justesse des moments de vie. Ainsi dans La femme au canari de Louis Adolphe Humbert de Molard la femme est assise devant l’entrée de sa ferme, le canari semble la regarder depuis sa cage, mais elle paraît lasse, pensive. Une photographie très émouvante.
Le visiteur sera intéressé, passionné peut être par cette rétrospective historique de cette belle aventure de la photographie. Une visite guidée serait préférable pour mieux en saisir les étapes techniques. La beauté de nombreuses photographies, leur confrontation à des peintures célèbres rendent cette exposition très attractive. Une exposition à ne pas manquer.
Visuel(c): Gustave Le Gray, Le brick au clair de lune, 1856