Le Festival Normandie Impressionniste fait une large place à l’art contemporain. Il propose de nombreuses expositions, souvent gratuites, sur tout le territoire normand, dans un esprit d’innovation, fidèle au mouvement impressionniste.
«On ne peut pas penser impressionnisme, sans penser innovation et art contemporain». Telle est l’opinion de Philippe Piguet, commissaire général de Normandie Impressionniste. Alors le festival a choisi l’audace. Sur les 150 événements programmés, la moitié concerne la création contemporaine. L’art contemporain doit irriguer tout le territoire normand. Le visiteur va découvrir des lieux inattendus, insolites, on accède par exemple à la Maison des Arts Agnès Varda, située à Grand Quevilly, une banlieue populaire de Rouen. Il s’agit d’une ancienne grange démontée, rénovée, restaurée en 2021. La hauteur de plafond, les larges baies vitrées, les poutres sombres mettent en valeur les toiles blanches et abstraites de l’artiste franco-indienne Shanta Rao. Un petit bijou, cet endroit, qui témoigne aussi d’une vraie volonté d’ouvrir l’art à tous les milieux sociaux.
Autre site remarquable, le SHED, un centre d’art près de Rouen. Le visiteur se retrouvera dans le hangar d’une usine désaffectée, là où Thomas Teurlay nous montre une étrange colonne qui se révélera être un jardin ambulant, une piste pour l’agriculture de demain. Mais le SHED est aussi un élégant cottage, qui était l’ancienne résidence du directeur de la poudrerie royale. Là, un malicieux robot nous emmène jusqu’aux canalisations de la ville de Bruxelles grâce à l’imagination de Géraldine Py et Roberto Verde.
Face à la Seine, à Rouen, une belle surprise attend le visiteur au centre d’art contemporain, le Hangar 107. Le musée est vaste, très lumineux, les toiles immenses et colorées d’Olivier Beer procurent un choc esthétique. Olivier Beer est musicien et plasticien. Grâce à des enceintes, les sons de sa musique mettent en mouvement les pigments déposés délicatement sur une fine toile blanche. Ses oreilles sont son pinceau, c’est les «Resonance Paintings». Utilisant la même technique, il a enregistré les sons sous l’eau, sous les nymphéas, dans les étangs de Giverny. En hommage à Claude Monet, Olivier Beer expose trois grandes toiles représentant les nymphéas. Les couleurs sont douces, dessinant des cercles de bleus, de roses, de marrons. Ces images crées par des ondes, évoquent le vent, l’eau, le sable sur une plage. Une œuvre spectaculaire, vraiment très belle, que l’on peut découvrir en écoutant la musique d’Olivier Beer.
Dans la peinture impressionniste, la représentation a été remplacée par la perception de l’artiste. Cette révolution a modifié notre regard sur l’art, sur les paysages. Un autre regard, voilà ce qu’apportent également les artistes contemporains exposant lors du festival.
Au centre photographique de Rouen, Laurent Millet nous offre son regard sur le vivant avec la série de photographies consacrées aux modèles anatomiques et végétaux du docteur Auzoux. Ses modèles avaient un rôle pédagogique, mais le photographe les transforme en œuvre d’art comme le magnifique Ergot de Seigle. Pour Laurent Millet la science est source d’inspiration, de rêverie, de poésie. Il revisite ainsi la géométrie euclidienne. À partir des schémas géométriques il crée des prises de vues colorées et attractives.
Bianca Bondi est une artiste sud-africaine qui vit à Paris. Elle pose un autre regard sur la ville du Havre dans son installation Milk of amnesia au Portique, le centre régional d’art contemporain du Havre. Elle a été frappée par les destructions de la ville pendant la Seconde Guerre mondiale et par sa participation au commerce triangulaire. Dans son installation très symbolique, le noir de l’armoire, de la mallette représente le passé de souffrances de la ville, le blanc du sel, la possibilité d’une rédemption.
La Galerie Duchamp, une galerie d’intérêt national à Yvetot, accueille le peintre Marc Desgrandchamps. Cet artiste, habitué des paysages montagneux méridionaux, a parcouru l’année dernière le pays de Caux. Lui aussi en peint les falaises. Ses peintures sont très verticales, les falaises très imposantes voire monumentales. La matérialité est très prégnante, mais non exempte de fragilité. Les traits sont volontiers simplifiés mais les couleurs sont plutôt douces, le vert le rose le gris l’ocre dominent. Une silhouette de femme acéphale fait face aux falaises. Elle a été inspirée à Marc Desgrandchamps par la statue de l’Aître Saint-Maclou à Rouen. L’artiste nous offre une vision originale des paysages normands qui étaient au cœur de l’œuvre des impressionnistes.
Le festival propose un parcours, hors des sentiers battus à travers la Normandie, à la découverte d’artistes contemporains.
Visuel(c): Olivier Beer, Resonance Paintings, le Hangar 107, Rouen