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15.01.2025 → 25.05.2025

Valadon au Centre Pompidou

par Theo Guigui-Servouze
23.01.2025
Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Philippe Migeat/Dist. GrandPalaisRmn Réf. image : 4R02952 [1995 CX 0453] Diffusion image : l'Agence Photo de la RMN

Le Centre Pompidou de Paris, dans la continuité du Centre Pompidou-Metz et son exposition « Suzanne Valadon. Un nom à soi » (2023), présente, depuis le 15 janvier et jusqu’au 26 mai 2025, « Valadon », une monographie riche de la peintre et dessinatrice. Les automates, fraîchement réémergés de la « Fontaine Stravinsky », nous font passer de la modernité féministe et fantasque de Niki de Saint Phalle hors du musée, au réalisme sans fard de Valadon à l’intérieur. Les collections du Musée d’Orsay, de l’Orangerie, du MoMA et des prêts privés, ont permis de rassembler plus de 200 œuvres. Plus encore, après Georgia O’Keeffe ou Germaine Richier, le Centre Pompidou, avant de se transformer, concrétise encore son intention de montrer à toutes et tous le travail d’artistes femmes, venant aussi enrichir sa collection propre.

De Maria, à Suzanne

 

 

Suzanne Valadon (1865 – 1938) commence son parcours artistique unique en tant que modèle à l’âge de 14 ans. Elle s’appelle Maria. Sous les regards de multiples artistes comme l’académique Gustave Wertheimer, Auguste Renoir, figure illustre de l’impressionnisme, ou encore le tout jeune Henri de Toulouse-Lautrec, elle est croquée, peinte, on s’entraîne. Sur elle, comme sur nombre de corps d’autres filles modestes du quartier Montmartre, les hommes se perfectionnent : proportions, mouvement, ce ne sont pas les filles qui manquent, et les regards qui paient consomment ces corps nus. Maria n’est pas seulement modèle. À les voir faire, elle observe, elle se met à dessiner. Le grand Degas, à qui elle montre ses dessins, sent un potentiel, lui ouvre les portes de son atelier, lui achète même des croquis. Parlant de la ligne, qui rendra Suzanne si singulière, il a ces mots : « dure et souple ». Voilà un paradoxe de choix, rien de plus prometteur quand il s’agit d’embrasser l’art. Les scènes de la vie quotidienne, esquissées à la sanguine et au fusain, de son fils, des femmes de son entourage et ses autoportraits, confortent Degas dans les encouragements qu’il lui renouvelle.

 

 

Ces actions de l’ordre du banal, présentées dans des salons sombres à Pompidou, nous emmènent volontairement vers ce qui intéresse authentiquement l’artiste : l’individu. L’individu, dans sa réalité. Pas d’idéalisation du corps – féminin en particulier – pas de fresques épiques. Les hommes s’en sont chargés et continueront d’imprimer cette vision du monde. Suzanne Valadon, dont le nom d’artiste a pourtant été puisé dans la Bible, dessine et peint sa nièce et sa sœur au bain « Le bain, 1908 ». Elle dessine des hommes, des hommes nus. Elle est frontale, dirait-on pour un homme. Crue, « scandaleuse », dès lors qu’une femme décide de s’emparer du corps du « sexe fort ». Sans concession au maniérisme, sans se restreindre dans les sujets qu’elle peint alors dès 1892, elle crée une rupture, dans la coutume sociale et artistique. Suzanne Valadon ne répond qu’à un courant : le sien.

 

 

 

Domaine publicCrédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Bertrand Prévost/Dist. GrandPalaisRmn Réf. image : 4Y12328

La Chambre bleue, 1923

« Je peins les gens pour apprendre à les connaître »

 

 

Au-delà des autoportraits, véritables ponctuations dans son œuvre, elle affiche une rigidité dont elle ne se départira pas tout au long de sa vie. Bien que soutenue par les artistes masculins du Paris de la fin du 19e siècle et du début du 20e, elle incarne une image stoïque qui,  dans ce monde d’hommes, semble être un rempart, mais à bien y regarder, c’est vraiment elle. Elle dit : « J’ai dessiné follement pour que quand je n’aurai plus d’yeux j’en ai au bout des doigts. » Ces phrases, qui elles aussi ponctuent l’exposition, en disent long sur celle qui les a prononcées. C’est franc, simple, presque lapidaire. C’est en adéquation avec les portraits de ses proches qu’elle peint, notamment « Portrait de famille » (1912). Au centre, en matriarche, s’agrègent autour d’elle sa mère, une femme mûre, une femme ridée dont le corps commence à se recroqueviller, les cheveux blanchis par une vie rude. Son amant et modèle masculin de prédilection André Utter et son fils Maurice Utrillo, alors jeune homme manifestement affligé. Aucune consigne n’a été donnée pour se grandir ou faire bonne figure. Au centre, aux commandes, Valadon fixe le regardeur : « Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face. » Un mantra dont elle ne dévie pas.

 

 

Domaine publicCrédit photographique : Ville de Grenoble / Musée de Grenoble-J.L.Lacroix Réf. image : VALADON_LEBAIN_1908

Le Bain, 1908
Fusain et pastel

 

 

Comment mieux « connaître les gens », y compris ceux qui nous sont proches, autrement qu’en passant par l’exigeante observation, presque clinique, de soi-même ? À travers ces portraits, la volonté de la peintre de restituer la vérité de ses modèles au plus près de leur vérité est manifeste. Avec les nus féminins que Valadon peint comme « Gilberte nue se coiffant » (1920), ou encore « Nu au châle bleu » (1930), on sent toute la rigueur technique de la dessinatrice et peintre. Sous la peinture en aplats de couleurs, on perçoit la vivacité de son geste et la multiplicité des outils : pinceaux, couteaux mais aussi doigts, comme si la matière avait été appliquée dans l’urgence. Il y a urgence quand on veut se saisir d’un instant. Pourtant, l’empreinte de la dessinatrice avant la peintre, celle qui croque, qui décalque parfois aussi, du papier vers la toile, est patente. Les étapes de construction de la posture des corps, de la photographie du mouvement en action, et comment le décor, sans être supprimé, chez Valadon, doit servir la projection au premier plan : du corps / du sujet – se devine. Au fusain, à l’huile, la délimitation franche des courbes, de ce qui est saisi, est marquée, sans pour autant se faire carcan.

 

 

Domaine publicCrédit photographique : Akg-images Réf. image : VALADON_AUTOPORTRAITAUXSEINS_1931_1

Autoportrait aux seins nus, 1931

Une affaire de femmes

 

 

Reprenant les codes des odalisques d’Ingres (1780 – 1867), ou encore Jules Joseph Lefebvre, un de ses contemporains, elle s’applique à reproduire des femmes réelles. « Nu au canapé rouge » (1920) et « Catherine nue allongée sur une peau de panthère » (1923) condensent toute la densité technique et la volonté artistique de l’artiste de faire de ses nus une histoire de femme. Au premier abord, on voit le sempiternel jeu antagoniste : homme peintre/modèle nu femme. Mais, c’est Suzanne Valadon qui a peint ces femmes. Sont-elles offertes, l’air alangui ? Non. On s’approche : toujours ce trait graphique qui limite sur la toile, mais milite dans les faits, les contours de femmes incarnées. Leur peau, le grain, les marques que la vie laisse en stries ou en rougeurs, sur les destins physiques, biologiques, mais sociaux aussi, sont visibles. Les idoles idéales, figées et dévolues au plaisir du regard masculin, sont bien loin. Sur le visage de Catherine, un désir teinté de fatigue, une désinvolture réjouissante. Alors que la perspective plongeante donne tout à voir d’elle, les apparats choisis : la peau de panthère, les tapis rouges, les fleurs – à cueillir ? Lesquelles ? – renvoient volontairement à une atmosphère et des symboles érotiques, sans qu’elle en soit dénuée. Catherine appelle surtout à l’insolence – dûment scénographiée.

 

 

 

Crédit photographique : Hadiye CangokceRéf. image : VALADON_CATHERINENUEALLONGEE_1923_1

Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923

Cachez donc cette verge que je ne saurais voir…

 

 

Dans un geste volontairement double, Valadon, dans son « Adam et Ève » de 1909, se représente avec son amant Utter, tels qu’ils apparaissent dans la Genèse. Nus, nous faisant face. Rien qui ne sente le soufre ! Ce tableau est l’un des premiers peints par une artiste à représenter en tout réalisme un homme nu. Mais, la renommée fulgurante de l’artiste, qui a gravi l’échelle sociale, qui peindra des portraits de commande pour des personnes « de la Haute », ne suffit pas encore à « tout se permettre ». Afin d’exposer au Salon des Indépendants de 1920, un repentir bien pieux est obligé. Le pénis de son amant, qu’on aperçoit sur les estampes d’étude – loin de la minimisation des sexes gréco-romains antiques, soucieuse de ne pas proportionner réellement la génialité masculine, ç’eût été une incitation à la bestialité – est recouvert d’une digne feuille de vigne. Il en va de même sur l’immense toile « Le lancement du filet » (1914), où se décline à trois reprises le corps nu d’Utter en mouvement, dans l’acte qui renvoie au titre éponyme. On retrouve le trait appuyé de Valadon, autant sur les croquis de préparation que sur la toile de deux mètres sur trois, soulignant les groupes musculaires se contractant. L’utilisation subtile et révélatrice des couleurs fait ressortir la carnation du sujet, et l’entrelacs de cordes vient masquer l’entrejambe d’Utter numéro trois. Condition immuable, encore et toujours, pour que cette fresque ample et audacieuse ne soit rendue « décente », visible par le public. Agacée par cette réticence rétrograde et réassignante, Suzanne Valadon se concentre sur les nus féminins.

 

 

 

Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde/Dist. GrandPalaisRmnRéf. image : 4R06996 [1979 CX 0173] Diffusion image : l'Agence Photo de la RMN

Le Lancement du filet, 1914

 

 

Aujourd’hui, le Centre Pompidou rappelle avec quelle ténacité et un talent qui semble naturel, l’artiste s’est démenée pour exister dans un monde d’hommes. Sujet puis actrice du monde de l’art, elle s’impose, elle en impose. Cette monographie, dans laquelle ses toiles et dessins répondent ici et là à des tableaux de certaines de ses contemporaines comme Juliette Roche, Emilie Charmy ou Angèle Delasalle… rappelle certes que les plus grands noms de l’époque comme Degas l’ont initiée, reconnue en tant qu’artiste, mais surtout que de là, elle s’est émancipée. Elle n’adhère à aucun courant artistique fixe. S’inspirant des grands maîtres du 15e siècle, de ses contemporains, elle a marqué avec profondeur et authenticité son temps et nous parvient ce jour avec toute la vigueur réaliste des sujets et des corps qu’elle imprime. Se battre pour que la vérité fasse irruption dans la représentation féminine advienne, devenir maîtresse dans son art, peindre l’homme nu. Sa persistance et sa démarche tranchante quant aux codes esthétiques de l’histoire de l’art la rendent incontournable. Jamais provocante, elle travaillait sans cesse : pas de temps pour le scandale, seulement le désir impérieux de montrer le réel, au travers de son regard, le regard de la femme, le regard de l’artiste.

 

 

Crédit photographique : Centre Pompidou, MNAM-CCI/Cecilia Laulanne/Dist. GrandPalaisRmnRéf. image : 4Y00029 Diffusion image : l'Agence Photo de la RMN

Utrillo nu et sa grand-mère assis, 1892

 

Commissariat :

Nathalie Ernoult, attachée de conservation au Musée national d’art moderne ; Chiara Parisi,

directrice du Centre Pompidou-Metz ; Xavier Rey, directeur du Musée national d’art moderne