Du 20 novembre 2025 au 12 avril 2026, le musée Bourdelle consacre pour la première fois en France une grande exposition à Magdalena Abakanowicz, figure majeure de l’art polonais du XXᵉ siècle et pionnière de l’art textile contemporain. À travers un parcours immersif l’exposition La trame de l’existence révèle une œuvre d’une grande puissance, inspirée par les bouleversements politiques et sociaux de son temps.
Le choix du musée Bourdelle de mettre en avant les œuvres sculpturales de Magdalena Abakanowicz n’est pas anodin. C’est dans les années 1960 qu’elle se fait connaître avec ses sculptures textiles monumentales, appelées Abakans, qui bouleversent les frontières entre tissage et sculpture. On peut les découvrir au début de l’exposition, juste après une première salle qui nous donne un aperçu de l’étendue de son œuvre avec des pièces textile, sculptures, dessins. Quand on rentre dans les 600 m² de l’aile Portzamparc du musée Bourdelle, le parcours chrono thématique de 70 ensembles nous révèle la manière dont l’artiste conçoit ses œuvres comme des « environnements ». Pour Abakanowicz, la fibre est plus qu’une matière, c’est « le plus grand mystère de notre environnement », la substance même du vivant. Elle maîtrise chaque étape du processus travaillant des matières organiques comme la laine, le coton ou le crin de cheval, teintés dans des tons terreux, rouges ou noir.
Lorsque l’on découvre les remarquables Abakans, de grandes sculptures suspendues au plafond, on est captivé par leur monumentalité. Elles nous interrogent sur l’environnement qui nous entoure, car ces sculptures immenses interagissent avec les visiteurs. L’exposition respecte la dimension immersive des sculptures car elles sont monumentales. Abakanowicz libère le textile du mur pour en faire une présence autonome et presque vivante. Chaque fibre, chaque corde, chaque pli participent à un dialogue avec l’espace.
Le parcours se poursuit avec La condition humaine, section où l’artiste se tourne vers la figuration vers la figuration avec des groupes de sculptures humaines, créées dans les années 1970. Les corps sans tête assis de l’œuvre Dos, portent des cicatrices et des différences irrégulières qui nous interrogent sur la vulnérabilité et la singularité de chacun. Disposées en groupe, ces silhouettes muettes interrogent la place de l’individu dans le collectif. À proximité, des figures sans tête en mouvement ajoutent une dimension inquiétante, car elles semblent courir, sans que l’on sache vers quoi.
La visite se poursuit par la troisième section de l’exposition Métamorphoses organiques où on peut découvrir en entrant une grande sculpture textile noire qu’on peut voir comme un poumon. On peut voir aussi des dessins de torses androgynes, des radiographies et paysages évoquant corps et reliefs qui prolongent son interrogation sur le lien entre l’humain et son environnement. Le parcours nous dévoile pour finir une dénonciation de la guerre avec un cycle de sculptures monumentales Jeu de guerre, composé d’énormes troncs d’arbres enserrés dans des cerceaux d’acier. L’artiste cherche ici à donner un nouveau pouvoir à ces troncs mutilés. À la fin de la visite, une matériauthèque invite les visiteurs à se familiariser avec les matériaux variés utilisés par Abakanowicz.
À travers cette exposition, nous sommes invités à ressentir et percevoir l’art de Magdalena Abakanowicz comme un espace vivant, à comprendre sa maîtrise de la matière et sa capacité à transformer des fibres en sculptures monumentales.
Visuel : © Marina De azevedo