Jusqu’au 11 février prochain, la photographe néerlandaise Viviane Sassen est à l’honneur à la Maison Européenne de la Photographie. Plus de 30 ans de travail sont à découvrir, avec un travail sur la forme digne des plus grands de la mode, ce qui n’exclut pas la très grande présence de l’intime. Un regard féminin et original que l’on prend plaisir à suivre.
Jeux de couleurs et sérieux des formes, on entre dans l’univers de Viviane Sassen par une part importante d’elle-même : l’Afrique où elle a vécu de 2 à 5 ans. Elle y est retournée adolescente et beaucoup depuis et il n’y a jamais aucun cliché et rien d’essentialisant dans les séries qui exhalent une énergie unique. La série du « voyage introspectif » est pleine de couleurs et de mouvements hyper calés. L’artiste transparaît parfois en ombre, grunge et très vivante, en résonance avec ses sujets. La couleur et les formes sont également au cœur de la collection « Lexicon » présentée en 2013 dans le pavillon principal de la Biennale de Venise.
Les ombres se promènent comme autant de miroirs, dans des photos qui prennent de la texture et qui happent le spectateur. L’autre moitié de cet étage met en scène le jeu de la photographe sur la fiction et le récit. Invitée en résidence au château de Versailles, elle en rapporte la série très léchée « Venus et mercure » où la déesse de l’amour et les effets du remède de l’époque à la Vérole se côtoient jusqu’à s’enlacer. La sculpture classique prend un coup de boost. Et le titre de l’exposition étant « Phosphor », avec « Mercure », on se dit qu’il y a bien de l’alchimie liée à cette photographie.
À l’étage, on entre dans un tout autre univers. On y reconnaît bien la « patte » de la photographe avec laquelle on s’est familiarisé : les couleurs fortes, les lignes de fuite et de courage… Mais l’univers qui nous est présenté est surréaliste. Un surréalisme de femme du 21e siècle qui couvre les années 2017-2020 et qui interroge sans jamais objectifier le corps de la femme. Sassen appelle ce surréalisme une « alchimie moderne ». C’est beau, c’est puissant et c’est un vrai regard féminin sur l’inconscient de nos sociétés et ses arrière-plans intimes. Enfin, après cette grande dose d’adrénaline et d’essence du travail de Viviane Sassen, l’exposition fait le choix intéressant (et rare) de proposer, en final de l’exposition, la généalogie de ce que l’on a vu. On revient alors aux premiers travaux de l’artiste : son travail d’école, des autoportraits nus et non voyeurs. On lit la marque de Nan Goldin, de Larry Clark et l’on mesure à la fois les influences et le chemin parcouru. Tout se termine, presque comme dans les années 1990, par une grande fête pour Top-Models sur catwalk purple. Deux installations liées au travail de Sassen pour la mode nous la montrent extravertie et brillante. Mais le miroir est toujours là, interrogeant nos lieux communs par des propositions formelles exigeantes.
Un travail passionnant à découvrir d’urgence si vous ne le connaissez pas encore.
Visuels :
DNA, de la série « Lexicon », 2007 © Viviane Sassen et Stevenson (Johannesbug / Cape Town / Amsterdam)
« In Bloom » pour Dazed Magazine, 2011 © Viviane Sassen et Stevenson (Johannesburg / Cape Town / Amsterdam)
De la série « Modern Alchemy », 2022 © Viviane Sassen et Stevenson (Johannesburg / Cape Town / Amsterdam