Pour cette saison automnale, la ligne éditoriale du Louvre a choisi un thème singulier : le fou, bouffon du roi ou conteur dramatique. Nous nous retrouvons dans le hall Napoléon pour visiter cette curieuse exposition, en essayant de garder les pieds sur terre.
L’espace dédié aux expositions temporaires n’avait pas été utilisé depuis plus d’un an. Cet insoupçonné hall, situé sous l’accès à l’aile Sully, préparait en fin de compte une exposition de grande envergure.
Nous pénétrons dans des couloirs et des salles labyrinthiques dont on ne voit pas la fin. L’exposition est construite de manière chronologique : elle débute avec la représentation du fou à l’époque biblique, celui qui défie Dieu, pour aboutir à l’époque romantique, où le terme est utilisé plus largement.
Si, pendant longtemps, le terme « fou » désignait le bouffon du roi, il aura fallu du temps avant qu’il devienne un terme de vulgarisation psychiatrique. La narration s’arrête un peu avant la fin du XIXᵉ siècle, lorsque le « fou » n’est plus considéré comme un bêta ou un idiot, mais devient un personnage sensible et triste, incompris et rejeté de la société, à l’image de Quasimodo.
Cependant, on constate qu’il a toujours été marginalisé : c’est bien le point commun de toutes les représentations ; le fou est celui que l’on montre du doigt. La dimension psychique est apparue assez tard. Au Moyen Âge, on distinguait les fous « naturels », qui étaient en fait des personnes atteintes de handicap, et les fous « intelligents », ceux qui jouaient simplement le rôle de bouffon.
L’exposition présente un nombre impressionnant d’œuvres et d’archives, allant de la Bible latine du Xe siècle aux statues de la cathédrale de Strasbourg. Le travail des commissaires, qui ont mobilisé de nombreux écrits et détails, est extrêmement dense. On a toutefois un peu de mal à en voir le bout ; l’atmosphère est un peu surchargée, avec une scénographie pas toujours pratique.
La question de la maladie psychiatrique, que l’on aurait pu penser centrale, est complètement mise de côté. C’est un parti pris de la ligne éditoriale, certes, mais l’exposition se termine tout de même par le tableau de Tony Robert-Fleury, célèbre pour sa représentation du docteur Pinel à l’hôpital psychiatrique de la Salpêtrière, retirant les fers des patientes. C’est la seule évocation du monde psychiatrique de toute l’exposition ; s’y ajoutent également des mentions de Charles VI et de Jeanne la Folle.
Une rentrée réussie pour la nouvelle exposition temporaire, bien que le Louvre fidèle à lui même ne souhaite pas sortir du XIXe siècle.
Visuel : Jan Matejko, Stańczyk, 1862, Musée National de Varsovie