Jusqu’au 21 octobre 2023, l’espace de la galerie parisienne rue du Grenier-Saint-Lazare propose la nouvelle exposition de l’artiste autodidacte d’origine néerlandaise dans laquelle il signe la fin de l’insouciance de la jeunesse et cicatrise les douleurs de la sienne par l’emploi d’objets et de références au domaine de l’épouvante. Dans ses installations, Robin Kid se pose aussi en rebelle d’une société surconsommatrice qui feint d’ignorer le vide que l’on devine à travers les planches.
Le bleu californien cher à David Hockney… C’est la première chose que vous voyez lorsque vous pénétrez au 28 rue du Grenier-Saint-Lazare. Une moquette de cette couleur vous escorte en effet sitôt le seuil franchi et en ce début d’automne, charrie sans doute dans votre tête des souvenirs récents mais déjà lointains d’heures passées à la plage ou à la piscine cet été. Puis ce sont de grandes oeuvres qui s’offrent à vous et mêlent peinture à l’huile, panneaux en acier inoxydable et sculpture en aluminium. Un mobile très caldérien est également suspendu avec la représentation d’un squelette en invitée d’honneur… Vous venez d’entrer dans l’univers de Robin Kid!
Pour son deuxième solo show à la galerie Templon, l’artiste de 32 ans, influencé par les américains Robert Rauschenberg et Jim Dine notamment, emprunte dans de nombreux registres. Celui de l’enfance occupe une place importante, dans la lignée de sa précédente exposition chez Templon, It’s all your Fault, dans laquelle des personnages de Disney et des héros appréciés des tout-petits comme Casper venaient s’inviter dans certaines compositions.
Mais ce n’est pas tout. Robin Kid, légataire du pop art, ravive ces publicités des années 60 emblématiques de la société de consommation avec leur lot de produits transformés, de sodas, de sandwichs à la charcuterie bien rose et de céréales noyés dans du lait industriel. Leurs « mérites » sont vantés par des gamins souriants et très premiers de la classe dont les bobines séduisent celles que le milieu du marketing appelle cyniquement « femmes responsables des achats de moins de cinquante ans ».
Robin Kid puise enfin avec délectation dans le monde des fêtes foraines, des magasins de farces et attrapes, ainsi que des films d’horreur de séries B et Z avec de la sauce tomate en guise d’hémoglobine et des décors en carton-pâte. Tout cela inspire ces chaînes, pièges, mitraillettes et autres instruments de torture certes factices mais peu rassurants car en décalage complet avec ces enfants innocents aux regards rieurs.
C’est justement cette opposition des contraires que cherche Robin Kid, en tant que catharsis pour conjurer sa jeunesse solitaire mais aussi comme moyen de destruction de l’image lisse et non inclusive (dans ces publicités des années 60, seuls des enfants blancs sont représentés) d’une société dans laquelle l’artiste assume ne va pas y trouver sa place. Alors qu’elle se veut modèle et rassurante, elle fait pitié et n’est qu’hypocrisie, réduisant l’humain au statut d’être à haut potentiel commercial, que ce soit dans les sixties avec l’American way of life ou aujourd’hui, au 21ème siècle.
En réponse à cette société qui prétend que le bonheur ne repose uniquement que sur le seul fait d’acheter et de posséder, Robin Kid arbore des objets symboles de sadisme, de cruauté et de mort, à la fois armes de résistance mais incarnations également du crépuscule de l’enfance… Le titre de l’exposition, Kingdom of ends – référence au concept du « royaume des fins » forgé par le philosophe Emmanuel Kant au 18ème siècle- prend alors tout son sens. Au chapitre des interprétations, ces armes peuvent aussi rappeler que dans cette Amérique qui se présente dans les réclames comme une nation idéale, on peut se promener librement avec un revolver ou un fusil et certains commettent des tueries de masse.
Robin Kid semble nous lire l’un de ces contes où tout débute bien avant de basculer dans le sang. Cela est encore plus flagrant dans la partie de l’exposition qui reconstitue une chambre d’enfant avec des ouvertures taillées en forme de cœur dans des murs en bois. Alors que la chanson Mr. Sandman du quartet vocal féminin The Chordettes tourne en boucle, les peluches sont là mais à côté trône un immense crâne tout droit sorti d’un train fantôme de parc d’attraction sur lequel sont suspendus un gros scorpion et une grosse araignée non moins discrète. Une hache se dresse au bout d’une chaîne. Dans une autre installation, alors qu’un petit garçon fait sa prière au pied de son lit aux côtés de son chien qui adopte la même position, une mitraillette est posée comme un bras d’honneur à la candeur enfantine.
Alors que les enfants ont parfois peur des monstres sous le lit qui sortent lorsque la lumière de leur chambre s’éteint, Robin Kid matérialise ces angoisses qui marquent l’entrée dans la vie adulte et ouvrent la voie aux réalités d’une société qui transforme la jeunesse en un imaginaire à visée commerciale et déchaîne la violence.
Galerie Templon
28, rue du Grenier-Saint-Lazare 75003 Paris
Ouverte du mardi au samedi de 10h à 19h