Kadist, l’art engagé

Depuis plus de vingt ans, la fondation Kadist soutient la création contemporaine. Créée par Sandra Terdjman et Vincent Worms, elle possède deux lieux d’exposition, à Paris et San Francisco, mais son cœur est avant tout sa collection de 2000 œuvres, achetées ou coproduites dans le monde entier. Cette collection regroupe plus de 1000 artistes de plus de 115 nationalités, constituant un éventail large et diversifié de l’art contemporain. Se basant sur les recommandations de six comités d’experts situés dans différentes parties du monde (Afrique, Amérique du Nord, Amérique Latine, Asie, Europe et Moyen-Orient), Kadist achète une centaine d’œuvres par an, dont environ la moitié de photos et vidéos.

L’axe autour duquel se constitue la collection Kadist est le soutien  aux artistes émergents avec un engagement politique et social fort, dans l’idée que l’art peut être le vecteur de transformations sociales, qu’il interroge directement son époque. Ainsi, l’exposition présentée dans leur espace parisien pour quelques jours encore, Une assemblée de poète.sse.s civiques, s’intéresse au rôle que la poésie peut avoir dans la société. Dans la lignée des convictions de Pier Paolo Pasolini, le mythe de l’artiste romantique centré sur lui-même est déconstruit pour laisser place à l’artiste tourné vers les autres, en lien avec les problématiques de son temps. Car l’artiste et son œuvre sont influencés par sa position dans le monde : classe sociale, genre, éducation, ethnicité… autant de caractéristiques qui forment son identité et font de lui le porte-parole d’une communauté.

Les armes du poète sont les mots, la voix, le discours, le récit. Ainsi, Manthia Diawara crée un recueil des pensées d’Angela Davis par le biais de ses conversations filmées avec l’activiste dans un cadre quotidien. Ses mots d’aujourd’hui résonnent avec ceux d’hier, soulignant les évolutions et le chemin restant à parcourir. Bouchra Khalili, quant à elle, convoque la figure de Jean Genet et son engagement auprès des Black Panthers. Au travers de plusieurs œuvres, elle interroge ses écrits, son lien à la typographie, son voyage aux Etats-Unis et la difficulté de transmettre au mieux son discours, lui qui ne parlait pas anglais. Nous pouvons également écouter les voix de Radio Alhara, une radio en ligne palestinienne, les fredonnements collectifs recueillis par Hajra Waheed ou imaginer les mots jamais écrits de Jinoos Taghizadeh.

Si l’exposition donne des pistes sur ce qui peut générer des solidarités transnationales, elle est également le résultat d’une collaboration entre Kadist et la Sharjah Art Fondation. La collaboration est née autour de la coproduction du film de Farah Al Qasimi, Mother of Fog, présenté en avant-première à la Biennale de Sharjah en février 2023. Les œuvres de l’exposition, sélectionnées par les deux directrices des institutions,  proviennent des deux collections. Ce genre de collaboration avec de grands acteurs de la scène artistique s’est formalisé en 2023 avec le lancement du projet Collection nomade Kadist et le premier partenariat de trois ans avec le Centre Pompidou. Autour du thème de l’intelligence artificielle et de son impact sur la création artistique, le programme comporte des rencontres, une exposition et une intervention dans l’espace public.

Ainsi, par ses actions variées et novatrices, Kadist cherche à établir des passerelles entre les artistes, les pays, les institutions publiques et privées. Avec cette vision globale et décentralisée d’une création artistique engagée et son réseau international en contact direct avec les artistes, les cultures, les sociétés, Kadist nous invite à imaginer comment pourrait évoluer le monde de l’art et de la culture en général. Et cette vision d’un maillage artistique mondial engagé, ancré dans son territoire et accessible au plus grand nombre est enthousiasmante.