Jacques Prévert : le poète rêveur d’images

Une longue montée conduit à un havre de paix et de verdure. En entrant, un jardin, une élégante villa s’offrent à nous et tout de suite à droite, le musée. Bienvenue dans le monde de Jacques Prévert (1900-1977).
L’exposition doit beaucoup à Eugénie Bachelot Prévert, petite fille et unique ayant droit du poète. Elle s’inscrit dans les commémorations du centenaire de la naissance du mouvement surréaliste. Il y a 70 ans, Jacques Prévert s’installait 6 bis Cité Véron, tout près d’ici, maintenant siège de l’association culturelle «Chez Jacques Prévert». Nous découvrons 170 œuvres, dont beaucoup proviennent du 6 bis Cité Véron. Les commissaires Eugénie Bachelot Prévert et Alice S. Legé ont voulu nous montrer les relations de Prévert avec les arts plastiques et nous faire rentrer dans son intimité .

«Une vie arborescente»

Cette exposition a une dimension autobiographique, elle débute d’ailleurs par une fresque chronologique résumant la vie du poète. Elle fait toucher du doigt l’incroyable diversité des talents de Jacques Prévert, comment cet artiste si complet a pu se construire, s’enrichir de toutes ses rencontres amicales.
De l’enfance du poète, nous ne voyons que quelques traces, mais très signifiantes, comme le livre que lui lisait sa mère et sa photo de classe dans son école religieuse. En 1924, Jacques Prévert arrive rue du Château et découvre le surréalisme. Il invente le terme Cadavres exquis qui est un jeu graphique et littéraire et dont Yves Tanguy a réalisé un dessin simple, spontané, mais historique. L’engagement politique de Prévert, est évoqué par une affiche du Groupe Octobre, proche du Parti communiste pour lequel il écrivait des textes. Mais il était aussi un homme de cinéma. Ses scénarios dessinés sont fascinants, de grandes feuilles riches d’annotations, d’ébauches de dialogues, de multiples dessins.
Jacques Prévert va devenir un grand plasticien grâce à sa curiosité, son appétit pour les arts visuels, son amitié avec les grands peintres de son époque. Une relation très bien mise en valeur par l’exposition. La photographie de Picasso s’appuyant sur l’épaule de Prévert est très belle, très tendre. Il va écrire des textes pour des livres d’art avec Picasso, Miro, Calder, Braque, Ernst, Chagall. Le visiteur pourra ainsi admirer les couleurs vives des illustrations de Miro dans Adonides et le très beau mobile de Calder qui nous vient directement du 6 bis Cité Véron. L’exemplaire original des Contes de Boccace de Chagall et de Prévert vient d’être retrouvé, il est exposé au Musée Montmartre.

Jacques Prévert, artiste plasticien

«Le collage est quelque chose comme l’alchimie de l’image visuelle. C’est le miracle de la transfiguration totale des êtres et des objets» écrivait Jacques Prévert. En 1948 il fut victime d’un grave accident. C’est en convalescence à St-Paul de Vence qu’il se consacre pleinement aux collages. Il utilise des matériaux variés : images de son enfance, cartes postales, photographies. Il les destine à ses proches, ses amis, puis il les exposera en 1957 à la Fondation Maeght. Ces collages sont pleinement surréalistes, volontiers inspirés par l’œuvre de Picasso. Il figure la tendresse dans le collage envoyé avec son enveloppe décorée à sa petite fille, ou le bonheur dans Portrait de Janine. Il représente sa femme dansant, comme en apesanteur, dans une couronne de fleurs. L’humour est présent dans La panoplie du petit curé assassin ou La machine à Ave. Un cardinal regarde médusé un bureau sur lequel reposent côte à côte un singe et une machine à laver rudimentaire.
Geste éminemment poétique, Jacques Prévert dessinait chaque matin une fleur sur une grande feuille blanche puis y rajoutait ses rendez-vous et quelques noms parfois célèbres, parfois d’inconnus. Ainsi sont nées ses éphémérides. Une trentaine d’éphémérides sont exposées. Les dessins réalisés au feutre sont simples, colorées, très beaux en fait.
L’exposition se termine par le bureau que Jacques Prévert occupait 6 bis cité Véron. Sa petite fille le voulait malgré les difficultés pratiques pour que le visiteur puisse mieux s’imprégner de la vie du poète. C’est un grand bureau avec ses objets du quotidien, ses livres, quelques œuvres d’art et à son pied le Catéchisme en images, son album de collages.
Cette exposition vaut par son cadre. Le musée Montmartre est vraiment un lieu charmant, où l’on a envie de s’arrêter. Le visiteur sera admiratif du parcours de cet artiste exceptionnel. L’exposition nous révèle des aspects moins connus de Jacques Prévert et prend toute sa place dans la commémoration des cents ans de la naissance du surréalisme.