Jouer au flipper au musée, ça vous tente ? C’est ce que vous propose la Monnaie de Paris avec Insert coin, sa nouvelle exposition presque entièrement jouable, pour une expérience de gaming vintage à souhait.
Ses dix pièces de un franc éditées spécialement pour l’exposition en poche, le visiteur s’immerge dans l’ambiance des cafés, bistrots et bars-tabacs où l’on trouvait les jeux à pièces. Ici, pas de fumée de cigarette ni d’alcool, mais des flippers, des baby-foot, des juke-boxes et des jeux vidéo dans des ambiances résolument rétro. De 1950 aux années 2000, on suit l’évolution de ces machines de divertissement à pièces ainsi que celle des lieux qui les accueillent, du bistrot à la salle d’arcade, jusqu’à la startup. La musique des 45 tours nous enveloppe, les bips des premiers flippers résonnent dès la pièce insérée et la balle propulsée, les conversations s’animent : l’ambiance est installée.
Ici, tout le monde peut jouer : ceux qui passaient des heures dans les cafés après les cours, ceux qui regardaient les machines de loin ou ceux qui n’ont jamais connu que les consoles vidéo. On se laisse hypnotiser par les lumières, le mouvement de la balle, les sons et le score qui défile, et le jeu nous emporte. Car ce que l’on remarque dans cette fresque historique du jeu dans l’espace public, c’est que les thèmes qu’ils abordent, tels que le sport, la musique, les voitures ou la SF, restent essentiellement les mêmes au fil des années, portés par des technologies de plus en plus évoluées. Si le baby-foot est resté quant à lui quasi identique depuis sa création, les flippers et les bornes d’arcade se sont adaptés à un public se lassant de plus en plus vite, adepte de nouveauté.
Les machines, toutes d’époque, sont remises dans leur contexte français d’origine. Les couleurs, les objets et la déco du café, la musique, les magazines, les bonbons, le cinéma… autant d’éléments de référence dans la vie des jeunes joueurs qui permettent de redessiner une atmosphère autour des jeux. Ainsi, on peut se rendre compte, grâce aux quelques prix indiqués par époque, qu’une chanson au juke-box dans les années 50 coûtait le prix d’une baguette de pain, ce qui remet en perspective l’utilisation de cet outil de drague. Mais ce contexte est difficile à reconstituer tant les sources de documentation sont rares. On étudie les taxes, la boisson, le tabac ou les affaires de mœurs, mais le lieu en lui-même, les interactions entre les clients, ou toute autre affaire du quotidien sont presque considérés comme un non-sujet.
Pourquoi les cafés n’intéressent-ils pas les sociologues ? Peut-être parce qu’après-guerre, ces lieux étaient considérés comme malfamés, des lieux d’une culture populaire interlope. Mais ce sont pourtant des lieux de socialisation incontournables où se côtoient les différentes générations, les nouveaux citadins, les garçons et les filles. Dans ce demi-siècle de mutations sociales, techniques et culturelles majeures, les cafés ont accueilli et regardé passer les époques. Mais peu à peu, les jeux se déplaçant dans la sphère privée, les téléphones portables et les réseaux sociaux permettant de se retrouver plus facilement, sans même avoir besoin d’être physiquement en présence de l’autre, le rôle des cafés s’est modifié.
Le petit reportage que l’on peut regarder dans l’exposition sur une bande de jeunes garçons à mobylettes dans les cités des années 1950 nous fait prendre conscience d’une chose : le cœur de notre société a peu évolué, il est juste présenté et emballé différemment. En voyant ces jeunes à l’air inoffensif présentés comme des voyous désœuvrés, qui seront suivis par les blousons noirs, les beatniks et autres hippies, on se rend compte que le temps passe et les polémiques restent les mêmes. Les jeux, flippers ou jeux vidéo, vont détruire la jeunesse et la société dans de grandes effusions de violence.
Insert coin est une exposition à plusieurs niveaux de lecture qui permet à la fois de retrouver avec une certaine nostalgie des éléments de sa jeunesse, de jouer avec des machines aujourd’hui dans des collections privées et d’embrasser d’un coup d’œil cinquante ans d’une culture pop très masculine, un peu oubliée, mais qui a su infuser dans toute notre société.
Insert coin – flippers, bornes d’arcade, jeux à pièces
Du 1er mars au 30 juin 2024
Monnaie de Paris
Visuels :
0-Spirit of 76 (Flipper) 1975 – Gottlieb (Fabricant) – Cédric Bérenger / L’Atelier du Flip (Prêteur)© Monnaie de Paris
1-Tract contre l’uranium à Ille-sur-Têt à l’entrée d’un bar lors de la campagne du référendum 28 mai 1978 © Etienne MONTES/Gamma-Rapho via Getty Images
2 / 4 – MdP expo Insert coin fév. 2024 crédit Victor Point_H&K
3- Austin Texas USA : Middle school friends play video game at arcade © Bob Daemmrich / Alamy Stock Photo