En 80 toiles souvent monumentales et 110 dessins, le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris propose une des plus grandes rétrospectives de George Condo, artiste américain prolifique et en dialogue avec l’Histoire de l’Art, maître du portrait où les figures flottent, atemporelles, et qu’il a appelé le « Réalisme artificiel ». Une invitation à mieux connaitre l’oeuvre d’un fils génial du surréalisme et de la factory.
Né en 1957 à Concord, sur la côte Est des États-Unis, passé par New York et par l’atelier de sérigraphie d’Andy Warhol, George Condo s’installe à Paris et à Cologne dans les années 1990. Le portrait, au sens le plus classique du genre, est au cœur de son travail. Des portraits noirs et tourmentés, ou colorés et pop, qui expriment à l’extérieur les tumultes internes de la seconde moitié du XXᵉ siècle, et que l’on rencontre comme des alter ego de l’artiste, dès la première salle. Ces portraits sont à la fois très expressifs et, en même temps, ils posent, comme sur les murs du Louvre ou du musée Wallraf-Richartz.
On retrouve cette formation classique dans les dessins, impressionnants de technicité, avec un brin d’humour et de décalage en prime. Face au grand portrait de l’affiche de l’exposition The Portable Artist (1995), on sent affleurer à la surface de la toile des siècles d’histoire de la peinture, qui plane comme un sphinx. C’est vrai aussi dans les drapés symbolistes d’une Madone (1981), mais également dans des toiles plus hispanisantes ou néo-cubistes, où l’on mesure à quel point l’artiste auquel Condo se confronte est Picasso.
La musique — volontiers « classique » — est également très présente dans les références et les titres des œuvres, et semble participer du caractère planant et atemporel d’œuvres à la fois grinçantes, où la figure règne, même lorsqu’elle est distordue, dédoublée ou encore absente. Condo, ce sont aussi des sculptures et des collages, des expérimentations en monochromes et l’impressionnante série des Black Paintings. Mais aussi d’immenses toiles remplies de dessins, qui ne sont pas sans faire penser à Twombly.
Un artiste qui a aujourd’hui moins de 70 ans et qui semble déjà avoir revisité quatre à cinq siècles d’histoire de la peinture sans jamais perdre son humour et ses humeurs, ni sa maîtrise picturale. Une œuvre à découvrir d’urgence dans toute sa profondeur.
Visuels : George Condo, The Portable Artist, 1995, Collection privée © ADAGP
George Condo « Double Heads on Red », 2014, The Broad Art Foundation – Photo : © Courtesy Studio Condo © ADAGP, Paris, 2025