Exposée dans les plus grandes institutions (Palazzo Fortuny, MEP, LACMA, ICP…) et présente dans toutes les grandes foires d’art contemporain, Béatrice Helg s’empare de l’intimité médiévale du musée Réattu, en marge des Rencontres de la photographie d’Arles, pour une exposition qu’elle décrit comme une « non-rétrospective » mais qui, pourtant, nous fait voyager de son premier violoncelle à son dernier « Cosmos ».
Les Rencontres commencent le 7 juillet, mais le musée Réattu prend un peu d’avance. Déjà, il faut entrer dans ce lieu si typiquement arlésien. Ici, les murs sont épais et les bestioles transformées en gargouilles vous surveillent, l’air de dire « on en a connu d’autres, des canicules ». On le sait, sous les façades crénelées et les loggias Renaissance se planquent les œuvres du peintre Jacques Réattu, des dessins offerts par Picasso, un beau Vasarely, et on en passe. Et voilà qu’au milieu de tout cela jaillit la lumière des superbes sphères dorées de Béatrice Helg.
L’exposition, qui se déploie en 75 œuvres sur deux niveaux et dans la chapelle, est un parcours pensé comme un dialogue avec les collections permanentes, centré sur les 35 dernières années de création, avec quelques pièces des débuts. Dès l’âge de 20 ans, la photographe suisse s’est immergée dans une écriture photographique marquée par la « lumière, l’espace et le théâtre », qu’elle considère comme ses matériaux premiers. Travaillant lentement, souvent dans une mansarde chaotique, mais inspirante, elle compose des images mises en scène, nourries de spiritualité, où le chaos fusionne lentement en univers contemplatifs. Du travail à la chambre jusqu’à l’arrivée du numérique en 2012, vécu comme une révélation, elle accorde une attention capitale au tirage. Certaines séries, comme Cosmos ou Esprit froissé, témoignent de cette quête de formes sculptées par la lumière, où un cercle d’or revient comme un leitmotiv. Pour Helg, exposer au musée Réattu est « un cadeau » : un lieu où son œuvre trouve naturellement sa résonance.
Nous avançons, guidés par ces cercles qui sont des invitations à entrer en nous-mêmes. Mais avouons-le, une pièce fait plus son effet que les autres. Il faut y entrer pour y croire, être entouré de ces esprits froissés qui ont tout de parfaits fantômes chorégraphiques, tant la danse semble s’être emparée de ces petits bouts de papier qui, une fois exposés à la lumière du flash de l’appareil photographique, prennent vie. Elle ne nous dit pas tout, mais on devine qu’elle accumule des objets de petites vies, qu’elle rend royaux en les agrandissant et en les recadrant. Cette fan de Claude Régy a la ligne pour religion, surtout quand, plongeant via le balcon, telles des Juliette en quête de réponse, nous découvrons, ébahis, un autre Cosmos, plus grand que les autres, posé là, seul, dans une chapelle où il apparaît tranquille, à sa place.
Cette exposition, soutenue par Pro Helvetia, la célèbre fondation suisse pour la culture, est une occasion rêvée de découvrir ce travail précis, qui salue la force du tirage dans l’art photographique d’une artiste curieuse de tout et aux intersections des arts.
Du 5 juillet au 5 octobre au Musée Réattu,
Visuels : Cosmos XX 2022, Cibachrome et Esprit froissé XV, 2000. Cibachrome © Béatrice Helg