Jusqu’au 16 décembre 2023, l’exposition « Polaroils » de l’artiste plasticienne France Bizot place le polaroïd au centre de la création. Peints ou sources d’inspiration pour des tableaux, ces clichés nous interrogent sur notre rapport aux images, à la fois omniprésentes et porteuses d’une maligne manipulation.
Depuis les années 40, le Polaroïd est très populaire. Les clichés instantanés qui résultent de cet appareil ont permis de démocratiser la photographie, de la sortir de sa chambre noire, et de la mettre à la portée du plus grand nombre. Les « polas » sont les traces de furtifs instants de vie saisis en quelques secondes.
Mais le Polaroïd n’est pas qu’un objet entré dans le quotidien pour des photographes amateurs ou plus aguerris. Il s’est aussi affirmé sur la scène artistique. Andy Warhol l’a utilisé pour une collection de selfies et cette démarche a inspiré plus récemment France Bizot, initiatrice en 2011 d’une série de dessins sur le thème des réseaux sociaux et du statut de l’image. Directrice artistique dans la publicité et artiste-peintre, elle reprend les vues des Polaroïds et les actualise à l’heure de la multiplication des images sur les téléphones et les réseaux sociaux afin de concevoir des œuvres qui agissent en trompe-l’oeil.
Si des polaroïds servent de modèles à des peintures, sur des panneaux en bois, d’autres clichés se parent d’huile et deviennent à leur tour des tableaux. Le visiteur de l’exposition ne se rend compte de la différence qu’en lisant la légende et France Bizot questionne ainsi notre relation aux images. Dans la logorrhée ininterrompue de stories, de selfies, de publications déversées sur Instagram et qui inondent nos rétines à longueur de journée, l’image est paradoxalement sujette à caution. Deepfake, retouche, filtres… l’image devient un avatar de la superficialité qui balaie la réalité d’un revers de main.
Dans ce malicieux jeu de piste et pour redonner de la véracité aux images, France Bizot choisit de montrer également ce que l’on ne voit pas sur les réseaux sociaux, ces moments intimes devenus rares à une époque où tout doit être montré. L’artiste déconstruit ainsi l’image de la femme parfaite devenue une déesse idéale et dépersonnalisée comme le démontre sa série de petits visages en faïence.
Les oeuvres de France Bizot sont à la fois un hommage au pop art, avec sa figure centrale à l’origine du projet de l’artiste, Andy Warhol, mais aussi à ces icônes de la culture populaire américaine d’hier à aujourd’hui, Yoko Ono, David Hockney et Pharell Williams. Avec ces portraits, France Bizot est l’héritière de Warhol qui avait transformé en son temps des célébrités en totems universels. D’ailleurs, les petits formats alignés dans l’exposition rappellent les fameuses sérigraphies du pape du pop art et qui démultipliaient la même image en des couleurs différentes. Mais France Bizot montre aussi ces inconnus, ces hommes et ces femmes qui ont également droit à leur quart d’heure de gloire, une durée largement revue à la hausse dans notre ère où les réseaux sociaux ont pris le pouvoir.
Galerie Backslash
29 rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris
Ouverte du mardi au samedi de 14h à 19h