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Font&Romani, des artisanes au cœur du fil

par Laetitia Larralde
05.11.2023

A l’occasion du Salon international du patrimoine culturel qui se tient du 2 au 5 novembre 2023 au Carrousel du Louvre, nous avons rencontré les lauréates du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art 2023, l’atelier Font&Romani, lissières en Savonnerie à Paris. Entretien passionné avec Charlotte Romani autour de son art.

Vous êtes lissières en Savonnerie, est-ce que vous pourriez expliquer en quoi cela consiste ?

 

Le nom de notre profession, lissière, vient d’une particularité de la technique. On tisse sur un métier vertical en bois dit de haute lisse. Il faut imaginer deux montants en bois de part et d’autre, au centre en haut et en bas il y a deux rouleaux sur lesquels on tend verticalement les fils de chaîne, et au fur et à mesure que l’on avance dans le tissage on enroule notre pièce sur le rouleau du bas. Pour le tissage, on fabrique un outil quand on prépare le métier qui s’appelle des lisses. Ce sont des petites cordelettes de coton qui sont destinées à ramener les fils de chaîne de  l’arrière vers l’avant. C’est de là que vient le nom de lissière.

Pour ce qui est de la Savonnerie, cette technique a été importée en France au XVIIème siècle. La première manufacture royale de tapis qui a été créée sous louis XIII a été installée sur la colline de Chaillot dans une ancienne fabrique de savon, d’où le nom de Savonnerie. Cette technique est encore conservée aujourd’hui par le Mobilier national. C’est là que nous avons été formées, par un apprentissage de quatre années. Puis on est restées une année à travailler sur les grandes pièces et ensuite nous avons quitté cette institution pour créer notre atelier en septembre 2022. On a donc fêté notre première année d’existence.

 

Vous semblez avoir une approche de votre métier qui oscille entre l’artisanat et l’art…

 

Oui si on veut. C’est une technique textile qui a énormément de domaines d’application possibles. A l’origine elle est destinée à faire des tapis de sol monumentaux, mais elle peut aussi parer des garnitures de sièges. Le champ des possibles est ouvert et c’est ce qu’on a essayé de montrer avec notre collection en proposant des pièces variées, que les gens puissent se projeter. Notre technique et les matériaux qu’on utilise, de la laine française de mérinos d’Arles, ont aussi des vertus reconnues depuis le Moyen-Age d’isolation thermique et phonique. On est sur une matière naturelle très facile à entretenir, sur des objets durables, qui traversent les siècles et peuvent être restaurés à l’infini. Et ça résiste à un trafic piéton vraiment important. Notre meilleure carte de visite ce sont les tapis tissés sous Louis XIV encore utilisés aujourd’hui, ils n’ont rien perdu de leur superbe. Ce sont des objets durables qui peuvent se transmettre de génération en génération.

 

Vous parliez de la conservation de la technique au Mobilier national. Le thème du salon est la transmission du savoir, des techniques. Comment cela s’est-il passé pour vous ?

 

Cette technique à l’origine est issue des manufactures royales qui se sont transformées en manufactures nationales. La manufacture des Gobelins existe toujours, elle dépend du Mobilier national et du ministère de la Culture. Cette institution a permis d’assurer la pérennité de ce savoir-faire, quand les ateliers privés ont fermé. Aujourd’hui il ne subsiste que le Mobilier national qui conserve et transmet cette technique, et maintenant nous, en fondant notre atelier. On est le seul atelier privé à la proposer au secteur privé, vu que l’ensemble de la production du Mobilier national est destinée à l’Etat pour parer les différents palais de la République.

Le Mobilier national est un acteur d’une importance cruciale dans la préservation et  la transmission de ces savoir-faire. Aujourd’hui, on sent modestement qu’on a aussi cette mission. C’est important de parler de cette technique, ça peut créer des vocations auprès des jeunes comme ça a été le cas pour nous. On a bénéficié d’un apprentissage vraiment exceptionnel qui nous a été transmis avec passion par nos formateurs. Ces savoir-faire ne se transmettent pas théoriquement, on apprend en faisant. Pour n’importe quel savoir-faire manuel artisanal, l’apprentissage est essentiel.

 

C’est comme si la technique était conservée à l’intérieur de l’artisan lui-même, plus que dans un livre…

 

Le Mobilier national a su former des lissiers et il leur donne du travail régulièrement. Ils travaillent avec des artistes, ils réinterprètent des cartons d’artistes et tissent des tapis selon cette technique. Si le Mobilier national n’était pas là, puisque les ateliers privés ont tous mis la clé sous la porte, la technique aurait disparu, ce qui aurait été vraiment dommage parce que cela fait partie des joyaux de la France. Sous Louis XIV la Savonnerie servait aux cadeaux diplomatiques, cela faisait partie du luxe à la française. Aujourd’hui, ça contribue à faire rayonner la France à l’étranger avec notre patrimoine.

 

Combien y a-t-il de lissiers en Savonnerie en France ?

 

Aujourd’hui, en comptant ceux du Mobilier national et nous, nous sommes une trentaine à posséder ce savoir-faire. C’est vraiment très important de le transmettre.

 

Est-ce que vous envisagez de prendre des apprentis ?

 

Oui, bien sûr, c’est notre mission, ça nous tient à cœur de transmettre cette passion, cette vocation, on serait vraiment très honorées. Je pense que ça serait la plus belle des récompenses. Et si notre activité se développe on sera ravies de former des gens et d’agrandir notre équipe.

 

Comment avez-vous rencontré cet art ?

 

J’ai toujours été passionnée par la mode. J’avais entamé des études de mode et elles étaient assez axées sur le consumérisme, la fast fashion. Mais on avait ces cours en atelier de modélisme où on avait ce contact avec la toile, à partir de laquelle on arrivait à former un vêtement. Mon cheminement a été de retourner à l’essentiel : avant l’étoffe il y a le fil, qu’est-ce qu’on peut faire avec ? En visitant le Mobilier national, la technique de la Savonnerie a été une vraie découverte. Au début je pensais qu’il subsistait seulement les ateliers de restauration, et en découvrant l’atelier de Savonnerie, ça a été une révélation.

Pour Charlotte Font, elle a au début entamé des études de russe, elle a beaucoup vécu là-bas. C’est sur les marchés qu’elle a découvert les tissus orientaux, tous ces tapis et ces couleurs chatoyantes d’Asie centrale et du Caucase, et ça a été une révélation aussi. Elle a tout d’abord fait une formation de restauration de tapis au sein de la maison Chevalier Conservation et ensuite elle a rejoint le Mobilier national. On s’est rencontrées sur les bancs du métier à tisser en 2017 et on ne s’est pas quittées depuis.

 

Vous avez reçu le Prix de la Jeune Création Métiers d’Art 2023 : qu’est-ce que cela vous a apporté ?

 

On était très honorées, ça nous a donné beaucoup d’assurance, de confiance dans nos choix, dans nos projets. Ça assied auprès des autres acteurs des métiers d’art, c’est une reconnaissance de nos pairs et vraiment ça a été un encouragement fabuleux. Et ça nous donne évidemment l’accès à ce Salon du patrimoine qui est un rendez-vous incroyable pour nous. On est ravies de faire découvrir cette technique assez méconnue et de la partager avec le plus grand nombre. Bien sûr, ça a une très grande importance pour nous qui lançons notre activité. Cette première année a beaucoup été occupée à la production, vu qu’on est sur des temporalités assez longues (540h pour 1m²), mais aussi à la formation de notre société, ce qui prend beaucoup de temps. Et pour le petit clin d’œil historique, les tous premiers ateliers de Savonnerie étaient dans les galeries du Louvre, donc c’est un peu un retour aux sources.

 

Vous avez une pratique qui sort un peu de la tradition. Est-ce que c’est vous qui créez vos motifs ?

 

Oui, tout à fait. C’est la première collection que nous avons imaginée, et sa genèse est le mythe d’Arachné des Métamorphoses d’Ovide. Arachné, cette jeune lydienne qui a voulu se mesurer à Athéna, la déesse tisserande, qui par jalousie l’a condamnée à être transformée en araignée et à tisser pour l’éternité. On ne pouvait pas démarrer sans faire référence à cette histoire. Ensuite il y a un clin d’œil aux motifs décoratifs traditionnels de la Savonnerie, à savoir les feuilles d’acanthe. Nous avons développé un parti-pris un peu innovant par rapport à la technique de la Savonnerie qui est de travailler sur des monochromes et de faire apparaître le motif en le sculptant. L’objectif était de mettre à l’honneur cette technique et de retourner à son essence, à savoir la matière, donc le poil, le velours. Ce qui nous a donc paru le plus pertinent c’était la tonte en relief. On est vraiment dans la technique, ce qu’elle a de plus essentiel. En Savonnerie on travaille sur des poils de laine verticaux et quand on les tond on va au cœur de la fibre, la couleur est vraiment exaltée.

 

D’où vient cette magnifique teinte bleue que vous utilisez ?

 

Notre savoir-faire est aussi le fruit d’autres savoir-faire en amont très importants pour nous, on est un peu le dernier maillon de la chaîne. Il y a d’abord un éleveur de moutons. On ne travaille qu’avec de la laine française, ici de mérinos d’Arles. Cette laine a été filée par la filature Terrade à Felletin dans la Creuse. Nous avons mis au point avec cette filature un fil sur mesure qui nous a permis d’avoir cette tenue et de pouvoir obtenir du relief. Trouver l’épaisseur du fil, la torsion, c’est vraiment un savoir-faire crucial pour nous. S’il manque un maillon dans la chaîne, c’est notre pérennité qui est mise en suspens. Cette filature fait un travail exceptionnel. Nous travaillons aussi avec Nadia Petković, une teinturière exceptionnelle qui possède l’atelier Teinture Aubusson lab à Aubusson, toujours dans la Creuse, qui est vraiment le bastion de la laine, du fil et de la tapisserie. Nous avons mis au point ensemble cette couleur sur mesure, elle a un œil incroyable. La teinture est un savoir-faire d’exception qui mérite aussi d’être connu et d’être transmis. Ce travail en amont nourrit notre réflexion, échanger avec ces personnes nous permet de relever des défis techniques. Ils sont vraiment essentiels pour nous, ils participent autant que nous à l’élaboration de ces œuvres. C’est important pour les jeunes qui démarrent d’être accompagnés par des collaborateurs aussi bienveillants. Ces personnes ont beaucoup d’expérience et nous ont fait confiance, nous ont suivies dans la création de notre projet. Nous en sommes très reconnaissantes.

 

Comment vous situez-vous par rapport au côté utilitaire de votre création ?

 

Les objets de cette collection ne perdent en rien de leur fonction. On présente des objets hybrides destinés à parer le sol ou les murs. Cette technique à l’origine est destinée à faire du tapis de sol, et même s’il y a du relief elle ne perd en rien de sa fonction, on peut la fouler, c’est fait pour, c’est très résistant. C’est une très belle technique, très noble, mais elle a aussi une fonction et on trouve ça intéressant de la garder. Après on peut répondre à d’autre applications. Par exemple les petites pièces sont mises en sculptures, mais les grandes pièces peuvent être utilisées sans problème. Nous sommes avant tout artisanes.

Visuels :

1-FONT&ROMANI Métamorphose tonte avec ciseaux coudés crédit Julien Weber

2-FONT&ROMANI portrait Atelier Paris – crédit Julien Weber

3-FONT&ROMANI Métamorphose IV – crédit Julien Weber

4-FONT&ROMANI tissage de Savonnerie avec peigne et broche sur métier à tisser de haute-lisse crédit Julien Weber