Nous avons passé une après-midi au Jeu de Paume, afin de découvrir une de leurs dernières expositions automnales Family Ties, consacrée à la photographe new-yorkaise Tina Barney.
Tina Barney est une photographe américaine née en 1945 à New York. Issue d’une famille aisée, elle grandit dans un milieu mondain et fréquentant les country clubs. Elle s’intéresse d’abord à la photographie en tant que collectionneuse, suivant l’exemple familial, et se spécialise dans les photographies du XXe siècle. Proche de la quarantaine, elle commence à réaliser ses propres clichés. Grâce à une connaissance, elle devient bénévole au MoMA, en parallèle, elle s’initie à imprimer ses œuvres. Si elle n’était pas encore reconnue en Europe, elle acquiert une certaine notoriété aux États-Unis avec ses photographies intimes de l’élite américaine.
La scénographie de l’exposition donne l’impression d’entrer dans des vitrines de vies. Les grands clichés de 120 x 160 cm, qui sont devenus sa marque de fabrique, créent l’illusion de fenêtres directes sur la vie d’une classe sociale relativement secrète. Dans cette vaste salle blanche, les couleurs vives et l’atmosphère étouffante du kitsch des années 80 nous hypnotisent. Les scènes de genre, pour la plupart issues de sa propre famille et de ses amis, captivent par leur réalisme.
L’une des critiques souvent adressées à son travail est qu’elle photographie exclusivement des personnes issues de milieux privilégiés, se concentrant ainsi sur une catégorie sociale fermée, peu intéressée par la photographie. D’un point de vue esthétique, cependant, ses images demeurent pertinentes. Certes, les sujets qu’elle aborde varient peu : elles dépeignent des modes de vie superficiels, des intérieurs luxueux et des réunions familiales fastueuses. Mais il ne faut pas oublier que Tina Barney photographie son propre environnement, puisant son inspiration dans ses racines et le milieu dans lequel elle a grandi.
Ses photographies revêtent un intérêt à la fois esthétique et anthropologique. Au-delà des dorures et du glamour, les personnages de ses clichés ressemblent à des anti-héros des publicités Ralph Lauren. Loin de l’image de la bourgeoisie déchue, c’est un regard cru, brut et sincère qu’elle pose sur eux. Elle n’idéalise pas ce mode de vie ; ses photos sont des études, des tableaux modernisés de l’aristocratie du XIXe siècle.
Tina Barney capture les rituels familiaux et l’esprit de clan, caractéristiques marquantes des classes dominantes. De son point de vue, ces rituels sont ce qui tisse les « liens » familiaux, ces connexions invisibles qui se créent entre les membres d’une même famille. Ses sujets incarnent quelque chose de plus grand qu’eux-mêmes : une étude humaine de l’intimité, avec en toile de fond des drapés en soie et des résidences secondaires à la campagne.
Visuel : Family Commission With Snake (Close-Up), 2007
© Tina Barney, courtesy Kasmin, New York