Extra ! : la littérature cinéma du Centre Pompidou

par Amélie Blaustein-Niddam
14.09.2023

Extra !, le festival de la littérature vivante du Centre Pompidou, proposait ce mardi 13 septembre une programmation croisée avec Actoral sous la forme d’un délicieux exercice de style : le ciné littéraire.

Nouveau roman

Jusqu’au 17 septembre, Extra ! se déploie au Forum -1 du musée sous la forme d’un salon scénographié par le duo d’artistes Deborah Bowmann et prenant les allures de l’effervescence des années Nouveau roman. C’est cosy, chaleureux, l’intensité des discussions est palpable dans l’espace vide. Un téléphone rouge ne sonne pas, mais a des choses à vous dire, c’est un fantôme qui vous parle, celui de Monique Wittig. De part et d’autre du salon littéraire, des espaces s’apprivoisent, sombres et attirants. D’un côté, c’est un poème qui est projeté. On découvre l’onirique « Que nuit soit », un vidéo-poème de la poétesse et performeuse Miel Pagès. On lit, on regarde, on écoute. En même temps. C’est un court métrage qui nous présente des amours libres et fières au bord de la rivière.

De l’autre côté, nous découvrons la relecture queer de L’Année dernière à Marienbad et de Hiroshima mon amour d’Alain Renais par Ming Wong. L’artiste singapourien.ne a un jour vu un café qui portait ce nom : Marienbad. Iel y voit un point de départ pour penser le futur : Next Year | L’Année Prochaine | 明年. Son œuvre superpose les deux films sur lequel iel s’incruste. À sa demande, la projection déborde de son cadre pour nous installer comme les invité.es du bal à s’assoir sur les chaises du jardin. C’est fascinant et excessivement beau. À cela s’ajoutent des archives et des documents qui permettent de comprendre chaque étape du travail.

Ciné-lecture

En parallèle des installations permanentes du festival se tiennent des événements. Cette rencontre entre Actoral, le festival de spectacle vivant marseillais dirigé par Hubert Collas, et Extra !, le festival de littérature de Jean Max Colard, fonctionne à ravir. L’idée est la suivante : chaque institution choisit un film, puis demande à deux artistes d’écrire un texte que le film leur inspire. C’est donc une commande adressée, du côté parisien, à deux ex étudiant.es de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre, Lou Kanche et Robin Faymonville, et de l’autre à Jean d’Amérique et Nathalie Quintane.

Le premier film issu des collections du Centre est Grand littoral de Valérie Jouve. C’est une déambulation autour du centre commercial marseillais. Un lieu-monde entouré de garrigue et des lignes de chemin de fer. Au milieu de ce temple capitaliste, les humain.es courent et vivent. L’autrice et l’auteur ont chacun.e livré des textes très symboliques sur d’autres formes de chemin. Lou Kanche dit « On ne va pas épiloguer sur tout ce qui entre et tout ce qui sort » ou « Le désir n’est pas une chose inerte ». Son texte parle avec tension de déambulation entre conscient et inconscient. Le second est beaucoup plus sombre. Robin Faymonville lit de sa voix grave : « J’ai su que mon camouflage au milieu des gens ne pouvait pas durer ».

Le second film est en noir et blanc et est issu des collections du Mucem. Il s’appelle Le Sabotier alsacien. Nathalie Quintane s’amuse à nous délivrer un texte délicieux sur des métiers oubliés. Elle dit : « Il y avait les planeurs et les plisseurs », elle s’étonne et pointe le temps qui passe et nous échappe. Elle rappelle que « la technique, c’est culturel ». Elle laisse ensuite la place à Jean d’Amérique, qui, comme toujours, livre une lecture sombre du monde. Pour lui, le savetier qui creuse le bois pour en faire un sabot, ce sont ses entrailles qui se déchirent. Il assène en mots et sous un flow électro qu’il s’appelle Ravage. Il se demande : « La vie aura-t-elle le courage de rester à mes côtés ? », et affirme que « la douleur est sans domicile fixe ».

Il était formidable d’entendre quatre propositions toutes différentes à l’occasion de cette soirée à date unique.

Le festival se termine ce weekend avec un focus sur le numérique qui s’annonce passionnant.

Jusqu’au 17 septembre au Centre Pompidou

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