En 170 tirages, le Jeu de Paume offre un focus sur les quinze premières années foisonnantes du photographe Frank Horvat, mort le 21 octobre 2020. Glam, voyeur et féministe. Génial.
La première chose évidente qui frappe quand on entre dans cette exposition chrono-thématique, c’est la façon dont les personnages capturés par Francesco Horvat, devenu Frank dans les années 1950, nous fixent. Il y a de l’urgence dans chaque pupille, comme dans les peintures de Léonard de Vinci. Je vous entends dire que c’est le cas dès que quelqu’un accroche l’appareil, mais non. Là, c’est autre chose. Peut-être que l’écriture des images d’Horvat est particulière, car il a très tôt compris que la vie ne faisait pas de cadeau. Juif, né en 1928, il est enfant quand ses parents fuient leur Italie natale pour la Suisse. Une photo, qui n’est pas de lui, montre sa mère et sa tante portant l’étoile jaune, et pourtant elles sourient. Pas un petit sourire, non, un sourire féroce qui dit : essayez de me piétiner pour voir ! Et c’est cette énergie-là qu’on retrouve dans tous les tirages présentés par Virginie Chardin.
Que ce soient les putes du bois de Boulogne, la foule parisienne chopée au téléobjectif, les éléphants d’Afrique, les trans du Brésil, les clubs de strip-tease, les motifs choisis nous ramènent toujours au monde d’à-côté, aux invisibles, aux exclu.es. Entre 1950 et 1965, il a travaillé comme photo-reporter et photographe de mode. Avec une émotion propre à son geste, il nous montre la face b du monde. On voit Sagan se cacher de la vue du public au théâtre, Mademoiselle Chanel dans un escalier, dans l’ombre. Il magnifie les détails et assassine la masse. Il y a ces hommes réduits au minimum quand ils regardent les puissantes artistes nues des cabarets parisiens. Horvat inverse sans cesse les niveaux de lecture. L’un des grands apports de cette belle exposition est aussi que beaucoup de tirages inédits sont exposés.