Expositions

Dès que le printemps revient en Nouvelle Aquitaine

par Nicolas Villodre
17.11.2024

Primavera, Primavera, cri d’allégresse des manifestants romains après la démission en 2011 du chef de gouvernement italien, Silvio «Bunga bunga» Berlusconi, est le titre de l’exposition qui se tient jusqu’à la fin du joli mois de mai prochain à la MÉCA de Bordeaux.

Mecque de l’art contemporain

La MÉCA, Maison de l’économie créative et de la culture de la région Nouvelle-Aquitaine, abritée dans le magnifique bâtiment que Bjarke Ingels a posé au bord de la Garonne, en lieu et place des abattoirs de la Boca, regroupe aujourd’hui trois structures : l’Agence du livre, cinéma et audiovisuel, l’Office artistique régional et le Fonds régional d’art contemporain. Elle se veut un lieu d’expérimentations artistiques et, plus précisément une «maison de l’hybridation créative». Ce concept rhizomique proposé par Deleuze et Guattari du temps de la fac de Vincennes est appliqué de nos jours aux disciplines artistiques et concerne aussi nos modes et modèles de vie.

La monstration Primavera, Primavera a pour sujet principal la jeunesse, terme qu’il ne s’agit pas de confondre avec l’âge du capitaine et qui est décliné ou défini par six thèmes ou espaces mettant en lumière les résidences d’artistes et la production d’individus et de collectifs invités par Elfi Turpin, la directrice du lieu, et les commissaires Karen Tanguy et Émeline Vincent. La visite nous a permis de découvrir successivement les six salles ou concepts suivants : La somme des sédiments, Panser les mondes, En bonne compagnie, De vive voix, De la chambre à la fenêtre et Narrations spéculatives.

Le cyborg et le plus qu’humain

Hybrides et variés sont les moyens techniques et les supports utilisés. Les œuvres relèvent toutes, plus ou moins, de la pensée utopique développée dans les années 60 et 70 qu’on a pu qualifier de baba cool, New Age, écolo, etc. qui est aussi à l’origine des études de genre, du cyberféminisme et des recherches théoriques de Danna Haraway, Isabelle Stengers, Vinciane Despret citées dans la plaquette. Nous avons apprécié plusieurs œuvres pour leur valeur plastique : Extrait (Tôle, Choc) 1 de Kevin Rouillard, beau diptyque non figuratif; CEXE (2016) de Jonatha Binet et Sylvie Frachon, composition lettriste tout en verticalité; Let’s agree to agree with me (2019) d’Ozgür Kar, dessin (en partie) animé, ligne claire blanche sur fond noir un peu érotique sur les bords rappelant ceux du Livre blanc (1929) de Cocteau.

Sumo : des différents niveaux de toxicité (2021) d’Euridice Zaituna Kala est une installation de panneaux de verre encadrés de métal sur lesquels ont été transférées des photos de l’époque coloniale, se référant sans doute aussi au Grand verre (1923) de Duchamp et aux plaques photographiques du XIXe siècle; Echoes of Resilience: Sonic Fragments of the Drum graphic score (2024) est un magnifique collage matiériste en noir, brun et blanc de Ntsheepe Tsekere Bopape à partir d’illustrations du magazine sud-africain progressiste Drum; Fungica Language (2024) est une série d’images d’Alizée Amet produites grâce à un logiciel traitant les radiations mycéliennes captées par de subtils électrodes; Eau-gure 1,2,3 et 4 (2023) de Morgane Jouvence, utilise la réaction chimique de cristaux de sel sur tôle d’aluminium pour créer des paysages fantastiques; Oreiller d’herbe (2024) de Cécile Vignau, est fait de plantes : de lin, chanvre, coton et d’opercules de millet (sans allusion au fameux Angélus de l’École de Barbizon); Verdure commune (2022) de cette même artiste est une tapisserie réalisée avec des demandeurs d’asile provenant de plusieurs continents qui prouve qu’art et artisanat peuvent se confondre le plus joyeusement du monde.