Dédicaces en lumière : Dan Flavin, pionnier de l’Art Minimal au Kunstmuseum de Bâle

Dan Flavin est considéré comme l’un des artistes emblématiques de l’art minimal. Depuis le début des années 1960, et suite à ses recherches autour de l’art et la lumière, les tubes fluorescents deviennent son matériau créatif, artistique. Il s’inspire des ready-mades de Marcel Duchamp qui l’amènent à utiliser le néon comme forme donnée et module à composer de façon sérielle.

Sa palette de couleurs navigue entre cinq teintes (bleu, vert, rouge, rose, jaune), ultraviolet et quatre tons de blanc. Un choix conditionné par le mode de fabrication des lampes produites de manière industrielle. Ses installations lumineuses, phosphorescentes sont immersives, elles métamorphosent l’espace et l’architecture des lieux.

Curatée par Olga Osadtschy, et Josef Helfenstein, « Dédicaces en lumière », lève le voile sur l’œuvre de Flavin dans sa capacité à transformer des matériaux ordinaires au rang d’œuvre d’art, il oriente ainsi le regardeur vers un référentiel « autre », celui d’une perception où le lien entre lumière, espace et couleur devient un contexte ou des « Situations », c’est ainsi que Dan Flavin qualifiait ses créations en tubes lumineux colorés.

Le parcours de « Dédicaces en lumière »

La mise en espace remarquable, respecte l’exclusivité d’un dépouillement revendiqué car l’œuvre tangible n’existe pas. Elle est lumière …
Plus de 35 installations lumineuses et 21 travaux sur papier mettent l’accent sur l’engagement d’un ’artiste concerné par le monde.

Le déroulé se déplie en sept espaces de 3 à 5 œuvres chacun, ponctué d’incises qui renvoient à l’Histoire contemporaine et l’histoire de l’art.
On se laisse happer par ces « images gazeuses », comme Dan Flavin aimait les nommer, pour apprécier leur dimension métaphysique, voire spirituelle.
L’ère de l’électricité, a induit des ruptures au niveau des pratiques usages traditionnels de la peinture ( pigments, huile, pinceau, geste, toile, châssis…)
Le geste et la pensée font « lumière, couleur ». Dan Flavin ne peint pas mais la lumière jaillissante prend des formes iconiques comme la référence au dispositif de Kasimir Malevich / Carré blanc sur fond blanc (1918)/ Huile sur toile / Mouvement suprématiste avant-garde (Moma)
Le parcours prône des univers aux formes et aux espaces différents, dont le récit déplie des réalités qui affectent le souvenir , la reconnaissance, la gratitude à des personnalités artistiques ou historiques.

Mise en lumière d’évocations mémorielles…

L’œuvre est éminemment politique, qui ouvre des champs, établi des ponts émotionnels entre un passé pour une projection vers l’avenir. Dan Flavin et son art nous donne les moyens d’y parvenir en réactivant des faits marquants contre l’oubli.

Des évocations telle l’installation au néon en mémoire à l’artiste suisse de la Renaissance Urs Graf Untitled (in Memory of Urs Graf) que Flavin réalisa en 1975 à Bâle, dédicace à l’orfèvre, graveur, dessinateur et mercenaire suisse mort à Bâle en 1529. L’œuvre figure au rez-de-chaussée du nouveau bâtiment dans la salle dédiée à l’Art minimal. Untitled (in memory of Urs Graf), il éclaire depuis 1975 l’atrium du musée.

Une œuvre au graphite et crayon, intitulée A corner monument for those who have been killed in ambush (« Pour ceux qui ont été tués en embuscade »). Présentée au Jewish Museum, à New York en 1966, elle reflète la position de Flavin contre la guerre au Vietnam.

Trois œuvres dédiées à Otto Freundlich (1878-1943, SobibÓr), sculpteur et peintre allemand d’origine juive. En 1971, Flavin acheta un dessin à l’encre de Chine de l’artiste. Cette série de 1990, achetée par la Kunstforum Ostdeutsche Galerie, à Regensburg (Galerie du Forum des arts d’Allemagne de l’Est), en hommage à l’artiste sacrifié et dont l’œuvre Grande tête (1912) avait été prise pour cible par les nazis lors de l’exposition à Munich, en 1937.

Au-delà, de la production de l’artiste minimaliste, un travail mémoriel, et d’hommage à ses pairs ponctue sa carrière. Chaque œuvre, ou parfois série, est dédiée à un artiste, tel que Brâncuși, Apollinaire, van Gogh, Rembrandt ou Cézanne.

Le sacre de Dan Flavin

Dans son journal du 18 août 1962, il écrivait à propos de « la lampe qui brûle jusqu’à la mort » : « Avec le temps, tout le système électrique deviendra un passé inactif. Mes lampes ne fonctionneront plus, mais il faut se souvenir qu’elles ont un jour donné de la lumière » (catalogue Dan Flavin. Dédicaces en lumière). Flavin avait donc cette conscience de l’éphémère, dans sa convergence avec l’espace, la lumière et le temps, avec une exigence chirurgicale, dont son art est la résultante. L’œuvre de Flavin est vouée à la disparition au fil du temps.

Une limite de fabrication des néons en mercure et les règlementations en vigueur vont sonner une finitude de l’œuvre ou donneront naissance à un nouveau cycle de vie, sous forme réactivée avec des néons écologiques en LED fluorescents de longue durée, Des travaux de recherches trouveront une alternative au mercure pour des dispositifs néon composites.