Avec le printemps, recommence la saison de l’espace culturel ICICLE de Paris, qui aura pour fil rouge le temps long. À Paris, la maison de mode qui s’ancre dans la rencontre de l’humain et de la nature présente des artistes chinois. Et c’est Shi Qi, diplômée des Beaux-Arts de Chine, passée par Cergy et résidant à Paris, qui ouvre cette saison le 19 mars avec l’exposition « Dans les replis du temps ».
Lorsqu’on passe le pas de l’espace culturel, au sommet de l’immeuble de l’avenue Georges V qui abrite également la boutique ICICLE, une fois la merveilleuse librairie en bois laissée de côté, on entre dans l’univers à la fois intense et minimaliste de Shi Qi. Une vingtaine d’œuvres sont hissées sur des fils aussi blancs que les murs, suspendant des toiles noires ou blanches encadrant des sculptures de papier xuan replié. À part deux œuvres datant de 2021, la plupart des pièces datent de 2024 et 2025 et portent jusque dans leurs titres la trace du temps qui passe : autant les noires « Traces des jours » que les bleutés « Enchaînements » ou les heures précises de 00:00 à 24:00 de vestiges pliés, rouges et bleutés, d’une nuit de Nouvel An.
Présente au vernissage, de même que la commissaire Myriam Kryger, Shi Qi explique que ces œuvres sont le fruit d’un laps de temps nécessaire, même les plus blancs et « aériens » « Messages » qu’elle avait commencé en 2007, mais qui avaient besoin de temps et de maturité pour que l’artiste s’immerge dans sa propre culture et puisse les partager avec le monde. Avant de s’être imprégnée de cette culture chinoise qui est la sienne : « Je n’avais pas assez à raconter pour faire le vide ».
Ce sont des circonstances terribles qui ont fini d’ancrer à nouveau l’artiste dans sa culture bouddhiste et chinoise. Séparée de sa mère qu’elle savait mortellement malade pendant le Covid, elle qui n’était pas pratiquante, elle s’est mise à recopier inlassablement le Sutra du cœur jusqu’à la mort de sa mère. Dans un geste de deuil, elle a passé à l’encre ces écritures, nous explique Myriam Kryger, les a coupées puis repliées et posées sur une toile. Une toile qui continue de faire d’elle — qui vient d’illustrer un recueil de poésies avec des œuvres acryliques — une peintre et non une sculptrice. Et un médium qui crée un pont entre le papier chinois et la toile occidentale.
Le processus artistique est né de ce deuil et le travail est en cours, avec tout le mystère et la liberté de penser et de méditer que nous laissent les plis du papier. La série des « Messages » a, elle aussi, repris, blanche et immaculée, avec des petits messages de couleurs insérés sans attaches au cœur des feuilles de riz. Un travail à la fois puissant et fragile, plein et vide, et complètement accaparant, à découvrir jusqu’au 15 mai à l’espace culturel ICICLE.