Le Grand Palais, monument emblématique de Paris, a rouvert ses portes après plusieurs années de rénovation. Un événement très attendu qui marque la reprise de l’activité culturelle dans ce lieu majestueux, souvent considéré comme un véritable sanctuaire de l’art. À l’occasion de cette réouverture, le musée a choisi d’accueillir l’exposition Chiharu Shiota : « Les frémissements de l’âme », une première exposition qui s’impose comme un dialogue fascinant entre l’espace, la matière et l’immatériel.
Le Grand Palais, construit à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, a traversé plus d’un siècle d’histoire en conservant son architecture unique, qui allie élégance et monumentalité. Toutefois, après de nombreuses années d’usure et d’adaptation aux besoins contemporains, le bâtiment a fait l’objet d’une profonde rénovation. Ce projet ambitieux, entamé en 2019, a permis de restaurer et de moderniser ce lieu d’exception, tout en préservant l’âme de l’édifice. La réouverture, qui a eu lieu en décembre 2023, a été l’occasion pour les Parisiens et les visiteurs du monde entier de redécouvrir ce joyau architectural, un espace désormais plus fonctionnel et accessible, tout en restant fidèle à son héritage historique.
L’exposition qui inaugure cette nouvelle phase de vie du Grand Palais est dédiée à l’artiste japonaise Chiharu Shiota, figure incontournable de l’art contemporain. Connue pour ses installations immersives et poétiques, Chiharu Shiota explore les thèmes de la mémoire, de l’âme et de la connexion entre les êtres humains à travers des œuvres qui mêlent performance, sculpture et installation. L’art de Shiota est une invitation à pénétrer l’invisible, à percevoir l’invisible, à saisir ce qui nous échappe. Son travail sur les fils, symboles de liens, d’entraves ou de transmission, est au cœur de cette exposition. Nous avions découvert il y a maintenant de nombreuses années, son travail unique galerie Templon puis à la biennale de Melle.
L’artiste a créé, pour le Grand Palais, une installation monumentale qui occupe la nef du bâtiment. Les fils rouges et noirs se tissent et s’entrelacent pour former un réseau complexe, suspendu dans les airs, qui semble à la fois fragile et puissant. Les visiteurs sont invités à déambuler dans cette forêt de fils, leur offrant une expérience sensorielle unique où chaque geste, chaque mouvement, est en interaction avec l’œuvre. L’espace se transforme ainsi en un lieu d’introspection et de contemplation, une invitation à repenser nos relations à l’espace, au temps et à l’histoire. Où vont ses bateaux suspendus ? Qui portent ils ? comment nos valises sont chargées ? Quel passé invisible portons-nous ? Quelle part d’invisible portons-nous partout avec nous sans le savoir ? Une magnifique salle envahie par les fils noirs où un piano brulé et des chaises carbonisées semble laissé là comme pour témoigner de no déchirures, nos brûlures intimes et collectives. Un monde parallèle où nous n’osons pas toujours aller.
Les œuvres présentées ne sont pas nouvelles, pour les connaisseurs, il s’agit d’une rétrospective mais pour tous les autres le plaisir de la découverte sera grand.
L’espace dédié par le Grand Palais semble un peu étriqué pour les œuvres, trop conventionnel et muséal. Nous aurions envie de la brutalité élévatrice de la nef comme à l’époque savoureuse des Monumenta. Les émotions sont au rendez-vous mais plus d’immatériel dans l’œuvre comme dans le lieu eut été transcendant.
Déployées sur plus de 1200 m2, les sept installations monumentales tissent un enchevêtrement spectaculaire de dessins envahissants, de sculptures tentaculaires et de photographies impénétrables où l’art et la matière semblent sculpter un chaos d’angoisses.
Chaque fil de laine, tendu avec une précision virtuose, nous confronte à nos propres failles, nos ombres, notre reflet dans l’œuvre où la lumière passe toujours.
Des fragments de souvenirs, des objets quotidiens, suspendus, éloignés de leur fonction première, chargés d’une aura presque mystique grâce à leur agencement et le travail des lumières. L’œuvre nous regarde, nous la regardons, nous nous scrutons seul et face aux autres visiteurs dans cette déambulation en boucle.
Le jour de notre visite de l’exposition, Chiaru Shiota est là, discrète, comme une apparition dans son œuvre, nous pourrions presque croire que sa présence est le fruit de notre imagination.
La traversée est à vivre avec des significations intimes et différentes selon les âges. L’exposition est gratuite pour les moins de 18 ans. La place centrale de l’art dans l’éducation des enfants est fondamentale, cette exposition rend le dialogue possible entre les générations, les cultures du monde entier, interroger notre relation à nous-mêmes, aux autres, à notre passé et nous réinventer chacun et ensemble.
Grand Palais. Du 11 décembre 2024 au 19 mars 2025
Visuel :©Uncertain Journey, 2016/2021, Shiota Chiharu : The Soul Trembles, Taiwan, 2021 / Photo Guan-Ming Lin © VG Bild-Kunst, Bonn, 2023 © Adagp, Paris, 2024