Caen fête son millénaire avec passion, Trouville l’authentique offre de nouveaux plaisirs, pendant que Deauville développe toujours plus la culture. À l’ouest, bien du nouveau.
Les trentenaires parisiens partent parfois vivre à Caen et cela étonne à tort. À deux heures de Paris cette ville moyenne (100000 habitants-35000 étudiants) très vivante reste le secret bien gardé de ceux qui l’ont découverte. Car souvent c’est par les seuls axes datant de la Reconstruction qu’elle s’aborde en ratant les quartiers contemporains de la Presqu’île et le charme du quartier historique où maisons à pans de bois alternent avec hôtels particuliers XVIIIème. Le Mémorial a trop bien réussi sa mission, impressionnant des classes entières de lycéens avec sa présentation très persuasive des bombardements de 1944. De là à imaginer qu’il ne reste rien de la cité normande il n’y a qu’un pas. Or, la ville n’a été détruite qu’à 33% lors de la Seconde Guerre mondiale. Et elle ne date pas de la Reconstruction.
C’est avant tout le lieu choisi en 1025 par Guillaume le Conquérant pour fonder une dynastie jusque-là nomade qui étendra progressivement son territoire vers l’Angleterre et l’Aquitaine. Elle garde de ce moment des monuments somptueux, les deux abbayes créées par celui qui fut d’abord duc de Normandie puis roi d’Angleterre et par son épouse Mathilde de Flandre. Mais aussi un château dont l’aménagement sur une esplanade de 4 ha vient d’être entièrement repensé pour fêter le millénaire de la ville.
En plein cœur de ville les vestiges du château, éparpillés sur une grande place, tenaient davantage du parking que du monument historique. « Les visiteurs étaient perdus devant la multiplicité de bâtiments s’offrant à leurs yeux une fois franchie l’imposante Porte des champs » explique Jean-Marie Levesque l’incollable directeur du Musée de Normandie situé dans l’enceinte castrale. Aujourd’hui un tapis de verdure unifie l’ensemble transformant les lieux en parc paysager. Les geôles, les tours, les vestiges du donjon se sont ouverts à la visite comme la salle de l’Échiquier où une présentation en immersion déroule à 360° l’histoire du lieu depuis sa création jusqu’au XIXème en passant par l1204 moment où le duché de Normandie est rattaché au Royaume de France (une séance toutes les heures à partir de 11h.musee-de-normandie.caen.fr) !
Impossible de résumer brièvement toutes les péripéties de l’histoire. Souvenez-vous seulement que Guillaume duc de Normandie décide en 1025 de faire de Caen (le champ du combat en langue celte) le lieu emblématique de sa puissance. La ville située à mi-chemin entre Rouen et le Cotentin lui permet de surveiller de près des barons peu soumis. Il épouse contre l’avis du Pape sa lointaine cousine Mathilde et fait construire le palais ducal, la Salle de l’Échiquier sorte de Cour des comptes où les redevances des vassaux se comptaient sur une table pourvue d’un carroyage et deux majestueuses abbayes pour amadouer le Pape hostile à ce mariage consanguin qui confère un peu trop de puissance au duc.. Durant la guerre de Cent ans le château passera aux Anglais pour devenir beaucoup plus tard une garnison que Napoléon aurait rasé s’il en avait eu le temps.
Mais Caen ne se résume ni à son château ni à ses abbayes. Elle possède un quartier XVIIIème autour de la place Saint Sauveur (marché assez irrésistible le vendredi), des hôtels particuliers et un port de plaisance en plein centre (le rivage est à 14 kilomètres d’ailleurs, on parle de Caen-la-mer).
Depuis le début du printemps, manifestations et expositions se succèdent pendant qu’un parcours d’œuvres contemporaines est installé dans les sites patrimoniaux. Les festivités du Millénaire se poursuivent jusqu’à la fin de 2025 avec une myriade de conférences (sur des sujets rares comme celle sur les Juifs à Caen au Moyen Age le 6 novembre…), des concerts (scène locale Indé), un festival de création numérique ( festival-interstice.net/2025) et un grand bal participatif le 20 décembre. (www.millenairecaen2025.fr).
Dans tous les cas on n’oubliera pas de s’inviter au Mancel, le restaurant du château, adresse joviale, gourmande et inventive, un fait rarissime pour un restaurant de musée (lemancel.fr).
Au sortir de Caen, comment poursuivre un long week-end de balade ? Explorer le nouveau quartier de la Presqu’île où se situe le théâtre, faire un tour en bateau sur le canal qui mène à la mer pour admirer les paysages, difficile de trancher. Mais on peut aussi prendre un bus (20 ou 21) pour visiter l’IMEC Institut Mémoires de l’édition contemporaine où sont versées les archives d’écrivains contemporains (imec-archives.com). Ce lieu passionnant situé dans la très belle abbaye d’Ardenne propose de petites expositions dossiers passionnantes. Ensuite, pourquoi ne pas filer vers la Côte fleurie et Trouville. Ni guindée ni show off l’ancien village de pécheurs séduit par sa simplicité et la générosité des plaisirs qu’elle offre.
À ceux qui veulent faire une folie, conseillons une halte aux Cures marines, thalassothérapie 5*, le must du must. Logée dans un bâtiment Belle époque couleur crème fouettée l’établissement est posé sur la plage et adossé au casino. Les chambres « vue mer » offrent un cocon de blancheur qui isole délicieusement du monde. Parfait pour un week-end (279 euros la nuit petit déjeuner inclus mais aussi cours de sport collectif, piscine, douche sensorielle…). Les soins et le décor sortent des poncifs. Quant à la table elle est à la fois originale et sans chichis (des huitres au yuzu, du maquereau de pêche artisanale juste tiré de l’eau …).
Mais Trouville compte deux autres incontournables, déguster des fruits de mer au Marché aux poissons devant la célèbre poissonnerie de style néo-normand et s’offrir une visite guidée des villas où ont logé peintres (Corot, Mazin…) et écrivains (Flaubert a eu un coup de foudre courtois à Trouville, Dumas et bien sûr Duras) séduits par ce village devenu balnéaire (à l’Office du tourisme, trouvillesurmer.org). On goutera peut-être au brunch du dimanche chez Ginette ou on s’arrêtera Aux 4 chats, une taverne ornée d’une enseigne très colorée dessinée par l’illustrateur Savignac (1907-2002) lequel a vécu (et dîné) ici. L’artiste a offert 550 affiches au Musée de la villa Montebello où elles sont régulièrement exposées. C’était un coloriste tendre et pétillant comme cette petite station balnéaire. (trouville.fr).
Vous pensez tout connaître de Deauville, vous manquez peut-être l’essentiel, sous le visage show off, son offre culturelle. Les Franciscaines surtout cet ancien couvent superbement transformé en lieu de culture délicatement cosy à l’offre foisonnante (lecteurs et visiteurs… semblent s’y installer pour la journée, lesfranciscaines.fr). Actuellement le festival Planches contact s’y déroule (jusqu’au 4 janvier, www.planchescontact.fr) mêlant grands noms de la photo (Claude Cahun, d’Agostin…) et jeune création. Mais aussi un secret jusque-là plutôt bien gardé, les villas anglo-normandes et le chalet sur le sable appartenant à la mairie que (presque !) tout le monde peut louer (les Deauvillaises, sur le site mairie-deauville.fr).
©Kevin Thibaud
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