Andrea Branzi, le règne des vivants à Giverny

Andrea Branzi, designer du vivant

Un petit bout de Normandie qui accueille la maison de Claude Monet, son jardin, son mythique bassin aux Nymphéas. Les œuvres d’Andrea Branzi, maître du design radical italien, s’invitent dans deux salles du musée des impressionnismes. Une exposition hommage au designer italien, disparu en 2023, qui rassemble une sélection d’œuvres emblématiques. Designer, architecte, il est aussi théoricien, professeur et auteur de nombreux ouvrages qui interrogent la société post-industrielle aux XXe et XXIe siècles. Il travaille autant le design que des projets d’architecture, de la peinture ou encore des installations. Une œuvre protéiforme qui questionne l’environnement domestique, la place et la fonction des objets qui, au-delà de nous entourer, nous accompagnent. Branzi se questionne sur le sens de notre appartenance aux vivants.

De Monet à Branzi : la fabrique d’une nature artificielle

Fasciné par la figure de Monet, Andrea Branzi pense son œuvre en résonance avec celle de l’artiste impressionniste. Il voit en lui un confrère architecte qui, à travers son jardin, avait construit sa propre nature, en transformant un paysage pour le modeler selon ses envies. En 1883, Monet acquiert la propriété de Giverny, domaine délaissé qu’il transforme en un chef-d’œuvre floral inspirant son œuvre la plus prolifique, Les Nymphéas. C’est cet aspect de « nature artificielle » que Branzi étudie, en s’interrogeant sur le rapport du design à la nature. Existe-t-il aujourd’hui encore une nature absolument vierge ? Ou bien, toute nature est-elle artificielle, façonnée par l’homme ?

Bamboo Interior Wood, cette pièce inachevée lors de la mort de l’artiste, est centrale dans l’exposition. Une synthèse des recherches d’Andrea Branzi sur le concept de « seconde nature », explorant les relations entre naturel et artificiel qu’il n’a cessé d’explorer. Les bambous s’érigent dans toute leur verticalité en contrastant avec l’horizontalité de leurs motifs, telles des sédimentations du temps. Des fragments de forêt utopique qui mêlent le végétal à l’industriel.

On peut également trouver, au cœur des jardins du musée des impressionnismes de Giverny, une œuvre de l’artiste cédée par la famille au musée. Celui-ci devait livrer un projet au musée, toutefois inachevé au moment de sa disparition. À sa place, le musée a acquis Fontana Albero (1998), qui rejoint Fils d’eau de Giuseppe Penone et Edera et Bois des Nymphes d’Eva Jospin dans un enchevêtrement d’art contemporain et de végétation du jardin.
Comment habiter le monde, question essentielle du design, revient régulièrement dans sa création.

L’objet au cœur de l’œuvre

Son rapport particulier avec cette ambivalence du naturel artificiel vient alimenter des questions sous-jacentes de l’ordre de l’anthropologie : entre artisanat et industrie, passé et présent. Il les traite notamment dans son œuvre Animali domestici, une série d’œuvres qui fait dialoguer éléments de bois et matériaux industriels. Des objets néo-primitifs témoignent aussi d’une nature résistant à sa dilution dans la logique industrielle, qui met en avant le lien originel entre l’objet et la nature. Une fusion entre technologie et diversité naturelle, par laquelle Branzi a posé un acte fondateur qui annonçait déjà les démarches contemporaines de l’éco-design et du biodesign.

Il incarne une volonté de retrouver le lien entre l’homme et son environnement, que ce soit passé ou actuel. Revenir à une présence animiste qui lie les objets aux hommes pour dépasser leur but uniquement fonctionnel donné à l’ère industrielle. Une démarche qui est intimement liée à celle de l’arte povera, mouvement italien contemporain à Branzi dont une des figures les plus connues est Giuseppe Penone.