Le musée Jacquemart-André nous fait découvrir jusqu’au 3 août 2025 les peintures d’Artemisia Gentileschi. L’exposition Artemisia, héroïne de l’art met en valeur la formation, le parcours de vie, l’évolution du style de cette artiste baroque italienne.
Artemisia Gentileschi est détentrice d’« une belle main qui manie si bien le pinceau et la plume qu’elle confère à l’immortalité ». Ainsi s’exprimait, dans un sonnet, le poète italien Pietro della Valle. L’exposition le montre bien, l’œuvre d’Artemisia est indissociable d’une vie exceptionnelle. Elle naît à Rome en 1593. Fille du peintre Orazio Gentileschi, elle s’initie très jeune à la peinture dans l’atelier de son père. Victime à 18 ans d’un viol par un ami de son père, torturée pendant le procès, elle se marie et part à Florence. Elle va surmonter cette épreuve avec courage et détermination, vivre de sa peinture et devenir une femme indépendante, lettrée, une artiste de cour à la renommée européenne. Elle travaillera pour Cosme II de Médicis, pour le roi d’Espagne à Naples et ira jusqu’en Angleterre. Elle terminera sa longue carrière de peintre à Naples, où elle disparaîtra dans l’épidémie de peste de 1656.
Artemisia a d’abord été formée, très jeune, par son père. Orazio Gentileschi était un ami du Caravage, adepte « d’un caravagisme lumineux », remarquable par les couleurs, par l’élégance du dessin. Artemisia signe son premier tableau, Suzanne et les vieillards à 17 ans avec l’aide de son père qui aurait réalisé une partie de l’œuvre. Le musée nous fait comparer deux versions de Judith et sa servante, celle d’Orazio et celle d’Artemisia. Le visiteur sera frappé, dans le tableau de la fille, par le réalisme, avec la tête d’Holopherne déposée dans un panier, le sens des détails avec la richesse des drapés, l’état de sidération des deux femmes au regard fuyant.
Nous pouvons le supposer, Artemisia a du croiser le Caravage pendant son enfance et voir ses œuvres dans les églises romaines. Du maître elle a repris le réalisme cru, la peinture violente, visuellement frappante, les clairs obscurs. Avec son jeu de lumière, ses couleurs sombres, l’intensité du regard, le petit tableau La tête de l’héroïne est bien un « clair obscur caravagesque ». Artemisia nous offre sa version du célèbre tableau du Caravage, Judith décapitant Holopherne, une peinture saisissante par son réalisme, par sa violence. Le visiteur ressent la détermination, la rage froide de Judith. Le sang coule, le regard horrifié d’Holopherne en témoigne, nous sommes sur une scène de crime. Cette toile a été créée peu après le viol, il s’agissait peut être d’une vengeance symbolique sur son agresseur.
Souvent à la demande de ses commanditaires, Artemisia s’est inspirée de personnages antiques ou bibliques. Elle va peindre avec empathie « ses héroïnes ». Ainsi dans Yaël et Sisera, Yaël brandit son arme et assène le coup fatal avec force et détermination. L’homme à terre représente la faiblesse : la violence et la ruse deviennent aussi l’apanage des femmes. Mais l’Autoportrait en joueuse de luth nous montre aussi une femme puissante socialement et psychologiquement. Il émane du portrait une prestance, une détermination, une confiance en soi. La toile est remarquable par la richesse de la robe, par la beauté du luth, Artemisia était aussi musicienne.
Dans ses peintures, Artemisia donne une grande importance aux émotions, à la psychologie de ses personnages. Sa capacité à saisir les expressions humaines fera la réputation de ses portraits. Elle compose ses tableaux avec un sens très juste de la mise en scène. Ainsi dans Esther et Assuérus, Esther implore le roi de libérer son peuple, mais elle s’évanouit. L’estrade, le vide entre les personnages nous font sentir qu’il s’agit d’une entrevue impressionnante, décisive. Le visiteur perçoit la pâleur d’Esther, la faiblesse de son corps sur le point de s’affaisser. Il ressent l’étonnement du roi prêt à se porter à son secours, la sollicitude inquiète de la servante. Ce tableau est un récit.
Cette sensibilité peut conduire à la sensualité, ses nus féminins étaient très appréciés. La sensualité de la Madeleine pénitente est touchante. Mais dans l’abandon de l’assoupissement, ses formes se dévoilent… Une sensibilité qui conduit à la beauté pure. Tout n’est qu’harmonie dans La Vierge de l’Annonciation, grâce à la douceur du visage, la finesse des cheveux, la beauté du bleu du voile. Le visiteur sera également séduit par la superbe Allégorie de l’inclination qui serait un auto portrait de l’artiste nue. La subtilité des couleurs, la délicatesse du trait témoignent de l’influence de l’école florentine et nous rappellent Botticcelli.
Outre la beauté des œuvres, cette exposition nous fait rencontrer une artiste hors norme, une personnalité audacieuse, entreprenante, en un mot admirable. Allons donc découvrir le trésor légué par cette femme, célébrée par son contemporain, le graveur Jérôme David comme « un miracle de la peinture ».
Visuel(c) : Artemisia Gentileschi, Autoportrait en joueuse de luth, Wadsworth Atheneum Museum of Art
Artemisia, héroïne de l’art,
Du 19 mars au 3 Août 2025
Musée Jacquemart André, 158 boulevard Haussmann Paris 8ème