Jusqu’au 16 février 2025, le Musée Carnavalet vous invite à l’Exposition Paris 1793-1794, une année révolutionnaire afin de poser un nouveau regard sur cette période douloureuse de l’histoire française.
1793- 1794, et non 1789. Le musée Carnavalet a choisi d’explorer une période tourmentée, contre-versée de notre passé. L’année révolutionnaire, c’est l’an II de la république, du 1er Vendémiaire ( le 22 09 1793) au 5ème jour complémentaire (le 21 09 1794). Une année qui débute avec le 1er anniversaire de la chute de la royauté et se termine peu après Thermidor et celle de Robespierre. Le musée Carnavalet étant le musée d’histoire de Paris, l’exposition ne relate que les faits qui se sont déroulés à Paris.
L’exposition est dense, peut être un peu trop pour l’espace qui lui est imparti. Heureusement, des panneaux et des vidéos éclairent le visiteur sur le contexte historique et la vie quotidienne des parisiens. 250 œuvres sont exposées, peintures, sculptures, objets historiques ou décoratifs. Les affiches, les lettres administratives ou privées, les procès-verbaux sont nombreux.
Tout est dit dans l’esquisse de Jacques Louis David pour le rideau de la pièce La réunion du 10 août 1793 : la symbolique révolutionnaire se résume dans ce dessin. Le peuple français souverain a remplacé le roi. Dans les traits d’Hercule, il siège sur un char triomphal, devant lui des citoyens terrassent le tyran, derrière les martyrs de la liberté exhibent leurs blessures. Antoine Joseph Santerre, le chef charismatique de la Garde Nationale, représente parfaitement l’élan révolutionnaire. Face à nous, sur son cheval, au galop, il apparaît fier, fougueux, intrépide. La révolution chérit la modernité. Cela s’observe en architecture avec la nouvelle place de la fraternité, en technique avec l’étrange télégraphe optique, en sciences avec les nouvelles mesures et le mètre étalon. La vie quotidienne nous est dévoilée avec les croquis de costumes et une belle carmagnole. Le Repas républicain à Paris, 1794 de Jean-Baptiste Lesueur est une très belle gouache. Elle nous montre un moment de détente, de fraternité, mais aussi d’allégeance à la République. Dans un autre dessin, une famille paisible se rend à la ginguette. Une image de la vie ordinaire alors que les souffrances des 700 000 parisiens étaient redoutables, dans un contexte de privations et d’économie de guerre. Mais la convention se voulait ambitieuse, visionnaire. Cent ans ou presque avant Jules Ferry, elle inventa l’école publique, gratuite, obligatoire, pendant trois ans pour tous les enfants et le droit pour tous à l’assistance publique. La commune de Paris fonda la première école de musique municipale.
« Être terrible pour dispenser le peuple de l’être » disait Danton. La violence s’est emballée. Confronté à la guerre civile et aux frontières, le régime était effectivement terrible, l’exposition le montre. Elle mentionne la centaine de prisons présentes dans la capitale. La violence n’épargnait pas les leaders de la révolution. Le visiteur la perçoit dans le tableau Marat assassiné de J.L. David avec à côté… son masque mortuaire. Le Danton sur le chemin de l’exécution de Pierre-Alexandre Wille exprime une souffrance intense et résignée. Une surveillance généralisée s’est mise en place, comme l’attestent les cartes de sûreté obligatoires pour se déplacer en ville. L’exposition aborde les destructions du patrimoine avec la statue du roi Juda 1ᵉʳ arraché à la façade de Notre Dame ou le tableau d’Hubert Robert, La violation des caveaux des rois dans la basilique Saint-Denis. Deux objets sont impressionnants, la massive porte de cellule de la prison St-Lazare et surtout la sinistre lame de la guillotine « le rasoir de la république ». L’exposition se termine par deux allégories de la liberté, cette liberté promise, espérée et malheureusement bafouée.
Le parcours nous imprègne de cette atmosphère lourde, oppressante, angoissante. Le visiteur sera persuadé de la complexité de cette année tourmentée. 1793 et la terreur restent présentes dans notre imaginaire politique. Les commissaires ont-ils réussi à maintenir l’équilibre entre le caractère innovant, visionnaire de la révolution et son côté sombre ? Plutôt oui, mais chaque visiteur pourra répondre à cette question, selon sa sensibilité, ses convictions. L’utopie révolutionnaire est-elle inéluctablement condamnée au déchaînement de la violence ? L’exposition nous incite à méditer cette interrogation. C’est peut-être son plus grand mérite.
Paris 1793-1794 Une année révolutionnaire.
Du 16 octobre 2024 au 16 Février 2025
Musée Carnavalet-Histoire de Paris, 23 rue de Sévigné Paris
Visuel : © La Liberté, 1794, Jeanne Louise dite Nadine.