Les films d’Hong Sangsoo peuvent se superposer les uns aux autres, variations toujours subtilement différentes autour des mêmes thèmes. Un peu le « Que fais-tu ? J’écris Paludes. Que fais-tu ? J’écris Polder. » d’André Gide.
Ici, l’espace géométrique représente, littéralement, les cases du souvenir et/ou du rêve. Un cinéaste reconnu rend visite avec sa fille à une vieille amie, qui possède un immeuble entier. La jeune fille pourrait bien rester vivre ici, en devenant apprentie auprès de cette femme pleine d’énergie. Lee Hyeyoung – qui incarnait la romancière dans le précédent opus La romancière, le film et le heureux hasard – s’écrie justement « Quel heureux hasard ! ». Et le malicieux Hong Sangsoo joue précisément avec ce hasard qui pourrait bien ne pas exister. provoquées, fortuites, les rencontres se suivent, comme chez Alain Resnais.
On se perd, on se retrouve, d’un étage à l’autre, et le jeu temporel se brouille joliment, au rythme des verres de vin éclusés. On boit sec, dans chaque film, mais dans celui-ci, le fait est souligné, commenté : « Allez, buvez encore un verre, vous ne conduisez pas ! », « Nous avons déjà bu quatre bouteilles à nous deux, allons en racheter. », « Peut-être l’avais-je trop poussée à boire ? ». Entre deux femmes qui lui expriment leur admiration, le cinéaste se laisse séduire par celle qui dit regarder ses films en buvant un peu, et en se roulant par terre de rire. Le cinéaste, double de Hong Sangsoo, commence à grisonner et à s’inquiéter de l’avenir.
Pourquoi aime-t-elle ses films, d’ailleurs ? Parce qu’ils ne l’irritent pas, et qu’elle peut s’y reconnaître. Modestie de la part d’Hong Sangsoo ? Pas seulement : en effet, ses films procurent un véritable état de bien-être, salutaire. Avec humour, la question de la santé et du sens de la vie sont évoquées en de charmants motifs : qu’est-ce qui est bon pour la santé ? Une cigarette, des légumes, de la viande, faire l’amour, réaliser des films, conduire une mini Austin ? Oui, tout cela, la vie qui va.
Pile au milieu du film, à la 48e minute, Dieu arrive dans la conversation. Peut-il quelque chose contre les peurs ? Comme un enfant, le cinéaste soutient l’avoir vu, après une sieste, et s’être senti ragaillardi pour créer.
Subtilement, ce Walk up nous parle, tout doucement, de nos peurs, de la solitude, de plomberie, de Dieu, et des bonnes choses de la vie.
Walk up de Hong Sangsoo, Corée du Sud, 1h37, avec Hae-yo-Kwon, Lee Hyeyoung, Mi-so Park, sortie le 21 février 2024.
visuel : Capricci