Le deuxième long-métrage de l’artiste Niki de Saint Phalle, Un rêve plus long que la nuit, initialement sorti en 1976, restauré en 4K, revient dans les cinémas parisiens à l’occasion de l’exposition Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hultén au Grand Palais de Paris. Un récit inédit, où la jeune princesse Camélia voit ses rêves d’émancipation se réaliser et, devenue jeune femme part à la découverte du monde fantastique et périlleux des adultes.
Dans Un rêve plus long que la nuit, les specateur.ices sillonnent avec Camélia un univers onirique à la découverte du monde des adultes. Dans une déambulation d’abord sautillante, elle rencontre des êtres fantastiques : un dragon, un nain serviteur aux 9 vies, une sorcière, un homme-oiseau, un homme-ombre à l’anneau mystérieux… Puis, désireuse d’être adulte, son vœu est exaucé par la sorcière et la voilà changée en jeune femme. Le son des chants d’oiseaux se transforme en bruits cinglants de machines industrielles et Camélia, adulte -incarnée par la fille de Niki de Saint Phalle Laura Condominas- part à la recherche d’un trésor promis. S’emparant du registre du fantastique et du conte de fées, Niki de Saint Phalle dépeint la désillusion d’un monde adulte vicieux. Ainsi, Camélia assiste en observatrice à la cruauté, à la corruption, à la luxure, à la guerre… Ses rêves d’enfants deviennent alors des cauchemars d’adultes.
Elle croise sur sa route des personnages ironiquement évocateurs : un prêtre corrompu, un général fasciste à qui l’on dit : « Je viens vous vendre la mort mon général » ou encore les clients masculins d’un bordel, ridiculement accoutrés. Niki de Saint Phalle tourne en dérision un monde d’hommes, remplaçant leurs sexes par des pénis missiles, métalliques, gigantesques, fourrés de plumes et de confettis.
Rendant absurdes les désirs charnels et de pouvoirs masculins, elle évoque également un désir féminin, avec un érotisme ambigu. Ainsi, dans le bordel, une voix féminine entame la séquence par ces mots : « Je suis une personne en trompe-l’œil ». Derrière le travestissement des corps et des rôles, une identité féminine plurielle émerge.
Les décors, constitués des œuvres de Niki de Saint Phalle et de son compagnon Jean Tinguely, participent de cette immersion dans un monde aux allures irréelles. Des reconnaissables « Nanas » de Niki de Saint Phalle à l’immense structure métallique et cinétique, de Jean Tinguely, ces œuvres plastiques deviennent des accessoires de scène. Filmées longuement, ces sculptures métamorphosent le décor en un espace vivant, mouvant, quasi organique.
Une séquence animée, réalisée à partir des dessins de Niki de Saint Phalle, vient suspendre la narration pour évoquer, avec poésie, les trésors du monde. Les costumes, eux aussi fortement marqués par l’esthétique des années 70, renforcent cette atmosphère extravagante et psychédélique. Certains passages évoquent parfois l’univers visuel de Barbarella de Roger Vadim, mais revisités par un regard résolument plus critique et féministe.
Un rêve plus long que la nuit apparaît comme une œuvre totale, où la peinture, la sculpture, le théâtre et le cinéma se rencontrent. Entre l’émerveillement et l’inquiétude, de l’enfance à la désillusion, les spectateur.ices découvrent ou redécouvrent les œuvres de ces artistes, mises en scènes et en mouvement.
Visuel : ©Un rêve plus long que la nuit – Niki de Saint Phalle
Sortie au cinéma le 18 juin 2025.