Le Festival international du film documentaire se tient à Paris avec dans sa Compétition des essais filmiques dévoilant leurs sujets avec une belle intelligence.
Avec bientôt près de cinquante éditions à son actif, le Cinéma du réel continue à donner à découvrir toujours davantage de documentaire de création. En 2024, sa Compétition rassemble par exemple trente-sept films. Allant du très court-métrage à la durée monstre, ils sont signés par des artistes très divers, en termes de sujet de prédilection et de notoriété. Le but étant ici d’offrir au public de passionnés un bel accès à des manières de montrer le réel singulières. Au final, au sein de plusieurs exemples concourant, cette année, en Compétition, l’œil particulier de la réalisation s’attache à des sujets humains tentant d’atteindre à un peu de vérité. En certains cas, pour eux-mêmes, et en d’autres situations, pour ceux dont ils ont la charge.
En tant que documentaire avec point de vue singulier, le long-métrage de la réalisatrice Alexe Poukine – très remarquée pour Sans frapper – s’avère marquant et réussi. Il empoigne un sujet passionnant : l’apprentissage d’étudiants en médecine s’attachant à s’entraîner à pouvoir communiquer des nouvelles graves à leurs futurs patients. Pour le traduire au mieux, il met son spectateur face à des confrontations entre ces apprentis et des interprètes jouant celles et ceux dont ils ont la charge. Sans tout expliquer à outrance, et sans forcément dire qui est qui. Mais au final, loin de tabler sur une mise en scène juste maligne, Sauve qui peut s’attache avant tout à trouver le bon point de vue pour donner à voir ces exercices, mêlant entraînement et vérités qui surgissent. Celle qui le signe prend le très juste parti de varier les plans composant ses scènes, et de ne pas avoir recours à un procédé répétitif tout du long. Ce choix apparaît parfait : le long-métrage offre au final une vraie galerie d’instants de vie, au fil desquels on garde tout le loisir d’observer l’expérience que ces jeunes praticiens acquièrent, et ce qui leur échappe. Peut-être pour longtemps encore, et peut-être pour le meilleur parfois.
Son ami de longue date Derrick Johnson s’apprêtant à changer de vie, et à trouver, il l’espère, une existence qui sera celle qu’il veut ou presque, la réalisatrice Marie-Pierre Brêtas (Hautes Terres) embarque à ses côtés. Derrick a connu le trafic, la prison, la publication de ses poésies, et il est fatigué de vivre dans les Etats-Unis aujourd’hui. Il regarde vers Cuba, où il désire résider pour de bon. Avant d’embarquer pour cette destination, il solde ses comptes avec sa famille, ou avec les lieux qui l’ont vu passer. Celle qui signe le long-métrage au fil duquel on a le loisir de le suivre lui laisse tout le temps qu’il faut. Outre la voix profonde et sûre, quoiqu’un peu usée, de Derrick, ce qui fascine véritablement surtout reste le silence profond qu’il prend avant de faire sortir ses phrases de sa gorge, temps court pendant lequel il semble aussi tirer de lui un ample souffle. Il ne se met pas en scène : il paraît donner de lui-même ce qu’il peut donner. En sachant bien que certaines choses demeurent au fond de lui, sans qu’il puisse les tirer. Par son écoute, le film transmet parfaitement cette personnalité fascinante. Au fil de l’itinéraire de ce protagoniste avec la réalisatrice, ce qu’il raconte dessine en douceur une cartographie sociale, bien sûr. Mais on ressent aussi, bien, son identité à lui qui tente de se déplacer. On touche du doigt, au fil du film, ce sujet pas si abordé que ça sur les écrans.
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Le Cinéma du réel garde ses portes ouvertes jusqu’au 31 mars dans Paris. Informations et réservations : Cinéma du Réel • Le site du festival international de films documentaires (cinemadureel.org)
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Visuel : rencontre à l’issue de la projection de Leaving Amerika (c) Geoffrey Nabavian