 
  Pour son premier long-métrage, la cinéaste suédoise Victoria Verseau se filme elle est ses amies pendant un parcours de transition qu’elle a elle-même vécu. En salles le 19 novembre, Trans memoria frappe par l’honnêteté du récit, entre douceur de l’amitié et ombre pesante du deuil et d’une société violente.
Les fantômes ont la vie dure. Victoria Verseau est hantée par celui de son amie Meril, décédée trois ans après leur opération en Thaïlande. Leur amitié est née de cette expérience, aussi nécessaire pour ces deux femmes trans, que douloureuse. Des années après, la réalisatrice filme deux autres amies, Aamina et Athena, comme un miroir du passé, qui vont suivre le même parcours au même endroit.
« Elle était assise là », visualise Victoria Verseau dans la chambre de ce « refuge-prison » selon ses mots. Elle cherche à soigner, en suivant ses traces, ce manque invivable et l’incompréhension qui la traverse. Ici, elles ont cherché à devenir vraiment elles-mêmes, à conclure un chapitre marqué par une enfance dans le corps d’un autre. Ce lieu aurait dû être synonyme d’épanouissement, grâce à lui elles auraient dû en ressortir libérées d’un poids, enfin alignées.
Comment expliquer alors cette mort insondable, impensable ? La jeune vidéaste prend le pari de la vie, la jolie et la laide, la vérité et le mensonge. Elle filme ses deux amies dubitatives quant à son projet. L’une d’elles refuse à un moment de jouer un rôle qui n’est pas elle. Dans les silences, les regards et les sourires, Victoria Verseau met simplement en image les réalités de personnes trans. Les trois femmes s’interrogent sur la nécessité de l’opération, qui laisse, malgré la délivrance, des séquelles. Elles évoquent entre pudeur et confiance leur rapport à leur corps, aux autres, les violences quotidiennes.
En s’emparant du tabou de la chirurgie, Victoria Verseau coupe court aux récupérations transphobes et déshumanisantes. Elle livre sa vision de la transidentité, la manière dont elle a voulu se rapprocher de la vérité de son corps, en filmant l’après de ses opérations de chirurgie esthétique. C’est comme ça qu’elle vit sa féminité et son identité, comme d’autres la vivraient autrement.
La caméra s’attarde sur ses lieux impersonnels autant que marquants dans leurs histoires. Les objets revêtent aussi une dimension particulière. Des emballages de pilules hormonales, des seringues, un bout de couverture, un bouquet de fleurs fanées… Ils sont autant de tentatives de s’accrocher au présent tout en ravivant la mémoire de Meryl. Victoria Verseau montre ainsi l’attente de jours meilleurs et la mélancolie d’un passé révolu.
©Outplay Films