Ce premier film du réalisateur algérien Karim Bensalah possède un ton et un rythme singuliers. Le parcours d’un jeune immigré algérien sous le coup d’un mandat d’expulsion bifurque joliment sur le sens du travail et la transmission. À ne pas manquer.
Sofiane n’a pas validé son année de fac et doit, en urgence, fournir un contrat de travail. Son père, diplomate, le recommande à un ami, dans les pompes funèbres musulmanes. Aux gens qu’il rencontre, « Souf » aime se présenter comme cosmopolite, franco-italo-vénézuélo, nigéro, algérien, pourquoi pas ? De tous les pays où il a vécu, avec sa famille, il a pris un petit bout et se sent libre d’attaches. New York serait une ville à son image, glisse-t-il dans une fête.
Avec son père, les rapports sont tendus. Sofiane lui reproche sa résignation à un petit échelon de la diplomatie et, surtout, le suicide de sa mère. S’il comprend l’arabe, le jeune homme voudrait s’affranchir de tout ce qui l’entrave encore.
Voir des morts, les laver soigneusement selon le rituel, les ensevelir dans un drap, tous ces gestes révulsent naturellement Sofiane. « Y a-t-il une tâche plus basse ? » lance-t-il avec insolence au hadj qu’il est chargé d’assister. Mutique, mystérieux, le vieil homme accomplit sa mission avec patience et respect des morts et des vivants. Au contact du hadj, à son corps défendant, Sofiane se sent gagné par une sorte de sérénité. Accompagner les morts et ceux qui les pleurent peut, aussi, se révéler une tâche noble. Nécessaire, en tout cas.
Karim Bensalah ne juge pas ses personnages et ne cherche jamais à imposer une morale. Il contemple simplement l’évolution d’un jeune homme qui trouve, finalement, sa liberté dans la transmission. Ce n’est pas la religion qui attire Sofiane, mais le lien ténu et essentiel qui rattache les morts aux vivants. La très belle scène finale permet d’opérer le rapprochement, tant différé, avec le père.
Algérie, 1h36, avec Hamza Meziani, Kader Affack, Souad Arsane, Abbes Zahmani. Sortie le 19 juin 2024.
Visuel : © affiche