Après Like Cattle Towards Glow (2015) et Permanent Green Light (2018), Dennis Cooper et Zac Farley sont de retour avec Room Temperature.
Après avoir conté les aléas d’un jeune homme amorphe qui a envie d’exploser, intrigue dérangeante ponctuée de piñatas et d’ado’ en mal d’amour dans Permanent Green Light, le duo Cooper/Farley livre un nouveau film aux frontières de l’étrange qui fait régulièrement osciller entre rire franc et malaise profond. Exit les ceintures explosives et les pavillons français aux pelouses bien tondues, le récit de Room Temperature prend place dans une région désertique de l’Ouest des États-Unis. Contrée poussiéreuse dans laquelle, comme chaque année pour Halloween, une famille transforme sa propriété en maison hantée. Une attraction que le père (John Williams, rien à voir avec le compositeur américain) s’obstine à rendre la plus effrayante possible, quoiqu’il en coûte.
Dès sa séquence d’ouverture, Room Temperature donne le ton avec un plan large fixe sur ladite maison, paumée au milieu de nulle part, crachant des sons synthétiques préenregistrés, des lumières stroboscopiques et de la fumée épaisse par toutes ses fenêtres, bientôt suivi d’un autre plan fixe d’André (Charlie Nelson Jacobs), le fils, entrain de se faire étrangler avec trop de jets d’hémoglobine en arrière-plan pour être véritablement flippant. A l’image des précédents projets de Dennis Cooper et Zac Farley, la même question assaille rapidement le spectateur : « dans quel film me suis-je donc embarqué.e ? ». Mise en lumière des préparatifs à l’ouverture au public d’une maison hantée home made, Room Temperature s’amuse de la dynamique entre le réel et l’imaginaire par le biais d’une demeure familiale intimiste transformée en pièce de théâtre éphémère censée provoquer peur et dégoût aux curieux du coin.
Si le côté bricolé et kitsch de cette « home haunt », typique du Pays de l’Oncle Tom, fait rapidement sourire avec ses cloisons gluantes grossièrement posées et son marécage creusé à l’arrache parsemé de croco’ en plastique, Room Temperature cultive une bizarrerie constante par le biais de ses personnages aussi froids qu’incernables. De l’insaisissable André au gentil Extra (Ange Dargent), en passant par le taiseux agent d’entretien Paul (Chris Olsen) et l’imprévisible petite sœur Marguerite (Virginia Adams), les adolescents qui parcourent le film semblent aussi perdus et désenchantés que le père et la mère (Stanya Kahn) de famille. La mise en scène, lumineuse et minimaliste, étire quant à elle certaines actions avec un plaisir malin à plusieurs reprises, accentuant l’étrangeté ambiante.
Avec un goût prononcé pour le creepy et le grotesque, Room Temperature n’est pourtant jamais dénué de sincérité et se mue progressivement en un labyrinthe narratif et audiovisuel duquel doit se dépatouiller le spectateur. Ludique et déstabilisant, le troisième opus du duo désarçonne autant qu’il enchante par sa dimension délicieusement bancale au sein du paysage cinématographique contemporain. Un O.A.N.I (Objet Audiovisuel Non Identifié) donc, qui convoque autant l’univers de Quentin Dupieux que celui de James Benning. Un « film mystère » qu’il serait bien dommage de rater sur grand écran tant l’expérience vaut le détour.
Room Temperature de Dennis Cooper & Zac Farley. Avec Charlie Nelson Jacobs, John Williams, Chris Olsen… 01h33. États-Unis, France. Sortie le 26 Novembre 2025.
Visuel : © Léopard Films.